Succession et expatriation : mode d’emploi

Succession et expatriation : mode d’emploi

Par Joanna Simonnet / Le 20 août 2015 / Vivre ici

[Article Partenaire] Poursuivons les aventures de Monsieur MARS, citoyen français installé à New York depuis 15 ans. Après son divorce avec Madame VENUS, rentrée en France, il est resté vivre à New York. Il possède toujours une maison en France, reçue par héritage, où vit son fils Sirius.

Monsieur MARS prenant de l’âge s’interroge sur le sort qui sera réservé à sa succession s’il venait à décéder à New York. Le lieu de résidence du défunt, sa nationalité et la localisation de ses biens déterminent la juridiction compétente en cas de litige successoral ainsi que la loi applicable à sa succession.

Quel pays saisir en cas de litige successoral ?

La France est liée par le Règlement (UE) No 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen.

Le principe, selon l’article 4 de ce Règlement, est que les juridictions compétentes sont celles de l’État membre de la résidence habituelle du défunt. Cependant, le Règlement Succession ne donne compétence qu’aux États membres de l’Union européenne et ne peut pas désigner un État tiers. La juridiction new-yorkaise ne peut donc pas être désignée sur ce fondement.

De plus, comme Monsieur MARS réside habituellement à New York, le juge français pas compétent pour connaitre de sa succession. Cependant, l’article 10 du Règlement prévoit que les juridictions d’un État membre où se trouvent des biens du défunt peuvent être compétente pour connaitre de l’ensemble de la succession à condition que le défunt en avait nationalité au moment du décès ou, à défaut, qu’il y ait résidé habituellement dans les 5 années précédant la saisine. À défaut, les juridictions du lieu de situation des biens sont compétentes, mais uniquement pour ceux-ci.

Dans ce cas, Monsieur MARS est français et propriétaire d’une maison en France. Les juridictions françaises pourraient donc connaitre de l’intégralité de sa succession sur ce fondement. Les juridictions new-yorkaises sont également compétentes en application du droit international new-yorkais, offrant ainsi aux héritiers un choix entre les juridictions. Ce choix peut s’avérer stratégique, car la loi qui sera appliquée à la succession peut différer.

Quelle est la loi applicable à la succession de Monsieur MARS ?

Contrairement à la compétence, le Règlement Succession prévoit qu’il est possible de faire application de la loi d’un État tiers à l’Union européenne. Le Règlement pose comme principe que la loi applicable à la succession est celle de la résidence habituelle du défunt au moment du décès (article 21). La loi d’un autre État peut s’appliquer si le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec cet État. Pour Monsieur MARS, la loi new-yorkaise devrait donc s’appliquer si l’on considère que sa dernière résidence habituelle était fixée à New York.

La loi de New York applique un régime scissionniste :

  • Pour les biens meubles dépendant de la succession, c’est la loi de la dernière résidence du défunt, donc en l’espèce la loi de New York ;
  • Pour les biens immeubles dépendant de la succession, c’est la loi du lieu de situation de l’immeuble. La loi française s’appliquera donc à l’immeuble situé en France.

Néanmoins, les héritiers pourraient demander l’application de la loi française pour l’intégralité de la succession en invoquant des liens plus étroits avec la France (nationalité française, mariage en France, biens en France, séjours fréquents…).

Garantir la compétence des juridictions françaises et l’application de la loi française à sa succession ?

Pour anticiper le règlement civil de sa succession, Monsieur MARS a la possibilité de choisir, avant son décès, la loi qui sera applicable à sa succession. Il peut la désigner explicitement dans un testament ou une déclaration spéciale de choix de loi appelé « professio juris ». Ce choix est toutefois strictement encadré. Monsieur MARS ne peut désigner que la loi d’un pays dont il a la nationalité (article 22 du Règlement), soit en l’espèce la loi française, et ce pour l’intégralité de sa succession.

Il faut réfléchir stratégiquement à l’utilité de réaliser un choix de loi au profit de la loi de sa nationalité et donc de la loi française au regard de sa situation familiale, financière et patrimoniale.

En revanche, Monsieur MARS ne peut pas, avant son décès, choisir les juridictions qui seront compétentes pour statuer sur sa succession en cas de litige. Cependant, s’il a effectué un choix de loi au profit de la loi française pour régir sa succession, ses héritiers pourront convenir que les juridictions françaises seront exclusivement compétentes pour statuer sur sa succession (article 5 du Règlement). Il s’agit d’un accord d’élection de for.

Quelle est la portée de la loi applicable ?

La loi désignée par le règlement succession s’applique à l’ensemble de la succession. Elle régit notamment :

  • l’ouverture de la succession (causes, moment, lieu),
  • les héritiers, leurs parts et charges, y compris les droits du conjoint ou partenaire survivant,
  • la capacité à hériter, l’indignité et l’exhérédation,
  • le transfert des biens, les modalités d’acceptation ou de renonciation,
  • les pouvoirs des héritiers et administrateurs (vente, paiement des dettes),
  • la responsabilité pour les dettes successorales,
  • la quotité disponible, les réserves héréditaires et droits des héritiers,
  • le rapport et la réduction des libéralités,
  • et enfin, le partage de la succession.

Monsieur MARS envisage de rédiger un testament, mais se demande comment assurer sa validité des deux côtés de l’Atlantique ? La circulation des testaments à l’étranger n’est pas chose aisée et elle varie d’un pays à l’autre. Afin de sécuriser la reconnaissance du testament dans un maximum de pays, il est conseillé de respecter les conditions formelles prescrites par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de loi en matière de forme des dispositions testamentaires et à la convention de Washington du 26 octobre 1973 pour ce qui est du testament international.

Lors d’une expatriation, deux solutions sont ouvertes afin de faciliter la reconnaissance du testament :

  • rédiger le testament selon les formes reconnues dans l’État de la nationalité du testateur
  • rédiger un testament selon les règles locales du pays d’expatriation.

Si Monsieur MARS souhaite que son testament puisse circuler entre la France et les États-Unis et être reconnu dans les deux pays, il doit favoriser la rédaction d’un testament dit international, qui sera reconnu dans les deux pays.

S’agissant de son contenu, le testament peut contenir des dispositions patrimoniales (désigner des bénéficiaires pour les biens, nommer un exécuteur testamentaire chargé de veiller à l’exécution des volontés du testateur…) ou extrapatrimoniales (reconnaître un enfant, désigner un tuteur pour les enfants mineurs en cas de décès prématuré…).

Si Monsieur MARS souhaite rédiger un testament, il devra prendre attache avec des experts en France et à New York afin de rédiger un testament dont la forme et le contenu sera reconnu dans les deux pays.

Il lui est également conseillé d’éviter de rédiger deux testaments, un en France et un à New York, afin d’éviter les incompatibilités ou les problèmes d’interprétation, et de faire enregistrer son testament auprès des autorités compétentes dans chaque pays afin qu’il puisse être retrouvé après son décès.

Monsieur MARS s’est disputé avec Sirius : peut-il déshériter son fils ?

En France, les enfants ont droit à une part protégée de l’héritage, appelée « réserve héréditaire » qui ne peut être révoquée. Cette part dépend du nombre d’enfants : elle représente la moitié du patrimoine s’il y a un enfant, les deux tiers s’il y en a deux, et les trois quarts s’il y en a trois ou plus.

Sirius est le seul enfant de Monsieur MARS. Si ce dernier choisit la loi française pour s’appliquer à sa succession, Sirius percevra obligatoirement la moitié du patrimoine de son père.

La solution serait-elle différente si Monsieur MARS ne fait pas de choix de loi en faveur de la loi française ?

Si le défunt décède à New York, sans choix de loi, et que sa succession s’ouvre là-bas, la loi de New York s’appliquera à l’ensemble de sa succession. La vocation successorale de son fils sera donc déterminée au regard de cette loi.

Or, la loi de l’État de New York ne connait pas la réserve héréditaire. La transmission des biens est libre. Monsieur MARS pourrait donc exclure Sirius de sa succession et transmettre librement l’ensemble de ses biens à des tiers.

La jurisprudence française considère que les lois ne prévoyant pas de réserve héréditaire ne sont contraires à l’ordre public international, et donc inapplicables en France, que si elles laissent l’enfant dans une situation de précarité économique ou de besoin. Ainsi, devant les juridictions françaises, Sirius ne bénéficiera pas de sa réserve héréditaire puisque la loi new-yorkaise ne connait pas cette institution, à moins qu’il démontre être dans une situation de précarité économique ou de besoin.

Toutefois, depuis le 1er novembre 2021, la loi française prévoit un droit de prélèvement compensatoire. À ce titre, lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne – ce qui est le cas de Monsieur MARS et de Sirius – ou y réside habituellement et que la loi étrangère applicable à la succession ne connait pas la réserve héréditaire, chaque enfant peut effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens situés en France au jour du décès afin d’être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française.

Monsieur MARS est propriétaire d’une maison en France. En cas de décès, si la loi new-yorkaise s’applique et qu’il décide de déshériter son fils, celui-ci pourrait faire valoir son droit de prélèvement compensatoire sur la maison en France et faire respecter sa réserve héréditaire.

Monsieur MARS souhaite limiter l’imposition sur sa succession, peut-il anticiper sa fiscalité ?

Monsieur MARS est français, il est propriétaire d’une maison en France, mais il réside aux États-Unis. Il craint donc d’être imposé deux fois sur sa succession.

Il existe une convention fiscale entre la France et les États-Unis à laquelle il convient de se référer afin de déterminer le lieu d’imposition de la succession. L’objectif de cette convention est précisément d’éviter la double imposition en matière de succession.

Afin d’anticiper les conséquences fiscales de sa succession, Monsieur MARS peut dès à présent se rapprocher d’un avocat spécialisé afin d’optimiser fiscalement sa succession au regard de cette convention.

Préparer et organiser sa succession dans un contexte franco-américain requiert une réflexion adaptée. Qu’il s’agisse de choisir la loi applicable ou de planifier la transmission de votre patrimoine, le cabinet CM&A – Chauveau Mulon & Associés, ainsi que son service dédié EXPATS by CM&A, vous accompagnent à chaque étape.

Note : les “articles partenaires” ne sont pas des articles de la rédaction de French Morning. Ils sont fournis par ou écrits sur commande d’un annonceur qui en détermine le contenu.

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