Carl D’Alvia et Michel Bassompierre transforment Manhattan en terrain de jeu avec leurs sculptures monumentales

Carl D’Alvia et Michel Bassompierre transforment Manhattan en terrain de jeu avec leurs sculptures monumentales

Par Olivia Deslandes / Le 15 mai 2025 / Actualité


New York est une habituée de l’art en plein air. Que ce soit sur la High Line, dans ses parcs ou au croisement des rues, la ville géante est prodigue en œuvres d’art monumentales, qui sont en quelque sorte les intercesseurs entre l’hyper verticalité des immeubles et les modestes piétons que nous sommes. Les journées s’allongeant et la météo promettant de devenir plus propice aux balades, il est tentant de se détourner, un instant, des galeries et des musées pour découvrir le cru 2025 du genre.

Cette année, on compte, parmi les artistes sollicités pour la ville de New York, le sculpteur animalier Michel Bassompierre, originaire de Paris, qui, déjà adoubé en Europe, vient poser sur le sol états-unien ses ours et gorilles et l’artiste américain Carl D’Alvia qui, lui, ponctue Broadway de couleur et d’humour avec ses œuvres minimales aux silhouettes élancées.


Les animaux géants de Bassompierre, œuvres en voie d’apparition à New York


« Dinosaur », le pigeon géant d’Ivan Argote, qui siégeait depuis quelques mois sur la High Line, s’est envolé fin avril. La meute immobile d’éléphants, du groupe d’artistes indien Coexistence Collective, qui s’imposait à l’automne dernier, au cœur du trafic de Chelsea a, elle aussi, disparu. Ces installations ont laissé place aux ours bruns, ours polaires et gorilles de Michel Bassompierre qui, eux, viennent peupler Park Avenue. Autant de figures du monde vivant qui, dans leur démesure, puisque leur échelle est bien au-delà de leur réalité, nous rappellent ne serait-ce que leur existence.

Il semble que l’heure est à la ré-appropriation animale de l’espace urbain. Ce n’est pas Michel Bassompierre qui nous contredira. Suiveur de François Pompon, ce sculpteur animalier formé à l’école des Beaux-Arts de Rouen, dans l’atelier de René Leleu, œuvre depuis plus de cinquante-cinq ans pour une « re-connexion à la beauté de la Nature ». Il crée invariablement des animaux – éléphants, pandas, ours, chevaux – aux formes arrondies dont le finish lisse invite à la touche.

Les différentes sculptures d’ours et de gorilles durant l’installation de l’exposition « Fragile Giants » © M. Bassonpierre

Les sculptures monumentales qu’il présente avec Fragile Giants à Manhattan, jusqu’en mai 2026, ne dérogent pas à la tradition esthétique qui est devenue la sienne : donner à l’objet d’art une grande douceur, une forme de poésie, une « sérénité magnétique ». Avec ces sculptures en bronze ou marbre de Carrare, le promeneur new-yorkais est projeté dans une scène de vie animale étonnante par sa douceur.

Sous les arbres s’ébrouent quelques ours. Un peu plus loin, la puissance est convoquée avec la figure géante d’un gorille, sculpture inédite de l’artiste. Il s’agit de la plus récente et de la plus grande pièce qu’il ait réalisée. Il y travaille depuis un an. Juste à l’angle de Park Avenue et de la 34th street, « Le Majestueux » domine la situation. Son regard est tourné vers l’Empire State Building. Il attend probablement Jessica Lange. 

Michel Bassonpierre, « Le Majestueux », angle Park Avenue et 30th street. © M. Bassonpierre


Broadway Hubbub, un parcours à la découverte des sculptures de Carl D’Alvia

New York investit dans les figures incontournables de l’art contemporain. Et puisque tout le monde veut une œuvre d’Anish Kapoor, on peut dorénavant découvrir The Bean, à Tribeca. Il s’agit d’un haricot géant à la surface réfléchissante, sorte de dédoublement cellulaire de celui de Chicago dont il est l’un des marqueurs culturels, mais aussi, plus simplement, le rendez-vous pour selfie le plus populaire qui soit. 

Plus audacieux, le choix de l’association The Broadway Mall et du programme de la ville de New York, Art in the Parks, auxquels nous devons Broadway Hubbub. Ce parcours, composé d’immenses sculptures jubilatoires de Carl D’Alvia, est une très bonne surprise. Le natif de Sleepy Hollow, aux origines italiennes, a reçu le prix de Rome en 2012. Il est aussi souvent exposé en France, pays avec lequel il cultive un lien particulier : sa fille unique y vit et il y a de très bons amis.

C’est aussi un pays qui apprécie particulièrement son travail. Il nous confie que « les Français semblent comprendre mon travail et y réagir. Ils apprécient l’humour et la légèreté alliés à l’artisanat et à la rigueur. » Il faut croire que le second degré et la poésie qui irriguent ses œuvres résonnent avec l’esprit français. Il ajoute : « C’est le pays en Europe qui a le mieux compris mon travail et où j’ai le plus exposé en dehors des États-Unis. »

Carl D’Alvia, « Specter », à l’angle de Broadway et de la 103rd street © Hreedoy Khandakar – « Sap », à l’angle de Broadway et de la 79th street © Jim Gaylord – « Hotrod », à l’angle de Broadway et de la 172th street – © Hreedoy Khandakar

À Manhattan, le sculpteur américain s’est vu confier une section de Broadway, entre Dante Park et Columbia University (64e et 117e rues). Il y a développé, comme il le fait depuis trois décennies, des sculptures géométriques et anthropomorphiques dont la drôlerie est évidente. Il y a chez Carl D’Alvia une abstraction de l’idée au service de la forme épurée, qui mène vers la joie. Il invente des formes et des lignes qui singent, gracieusement, des gestes ou des attitudes. Il s’affirme en héritier des artistes minimalistes.

« J’essaie de créer des sculptures qu’un minimaliste des années 1970 aurait pu faire s’il avait eu le sens de l’humour et s’il avait été plus en contact avec son côté féminin. » On sourit à l’évocation du tour qu’il aurait joué à une sculpture de Calder, de Tony Smith ou même de Bernar Venet. Exit la rouille ou l’acier noir, vive les couleurs, exit la suppression de tout narratif, bienvenue à la suggestion d’une introspection. Exit les lignes raides, champ libre à la souplesse, à la mollesse.

On l’associerait volontiers aussi aux artistes actuels adeptes de la poésie de l’absurde comme les Autrichiens Erwin Wurm et le collectif Gelitin. C’est bien un vocabulaire artistique propre qu’il déploie en associant la dureté du métal et la vulnérabilité des formes, qui jouent de la monumentalité avec humour. La série présentée sur Broadway, dont on avait vu des exemples antérieurs en galeries (précisément à la galerie Hesse Flatow qui le représente), trouve, dans les rues de Manhattan, leur paysage ad-hoc, l’environnement dont elles avaient besoin pour prendre toute leur dimension. 

Carl D’Alvia, « Tandem », à l’angle de Broadway et de la 64th street. © Hreedoy Khandakar

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