Hubert Joly, le Français qui a sauvé Best Buy

Hubert Joly, le Français qui a sauvé Best Buy

Par Alexis Buisson / Le 16 juin 2015 / Actualité

Hubert Joly n’aime pas être mis en avant dans les medias. Mais cela ne l’empêche pas de regarder ce que les medias disent de lui. « Quatre mois après mon arrivée à la tête de Best Buy en 2012, j’étais sur deux listes : celle des cinq patrons qui allaient être virés en 2013 et celle des sept meilleurs redresseurs d’entreprises aux Etats-Unis. »
Aujourd’hui, on ne trouve pas grand monde qui veut le virer. En trois ans, le patron français de Best Buy a sauvé le géant américain de l’électronique grand public, miné par la concurrence des sites d’e-commerce comme Amazon. Sa recette: la revalorisation des 1.600 magasins de l’enseigne, des économies importantes, des prix plus flexibles… « Hubert Joly, a dit en avril l’ex-chairman légendaire de Best Buy Hatim Tyabji, est l’un des meilleurs souvenirs de ma longue carrière » .
« J’aime les défis »
Hubert Joly est arrivé à Best Buy en août 2012, à la tête d’une entreprise dans la tourmente. Son prédécesseur Brian Dunn, accusé de relations « inappropriées » avec une employée de 29 ans, avait démissionné. Des dizaines de magasins avaient fermé. L’enseigne était engagée dans un bras de fer avec l’un de ses actionnaires et ancien co-fondateur Richard Schulze.
La recherche du nouveau boss a duré des mois. La sélection d’Hubert Joly a surpris: peu connu sur Wall Street, il venait d’un secteur très diffèrent – l’hôtellerie – où il avait relancé et développé deux entreprises: Carlson Wagonlit Travel et Carlson, propriétaire des hôtels Radisson et des restaurants  TGI Friday.
« L’action de Best Buy était tombée à 11 dollars en 2012. Les investisseurs ne croyaient pas en l’avenir de la société, se souvient-il. Il y avait chez Best Buy un tableau très complet de défis, et moi j’aime bien les défis ! »
6,25 millions de dollars s’il n’avait pas eu son visa
Pour l’aider, Best Buy a sorti les grands moyens: un salaire fixe annuel de 1,1 million (dans la ligne des anciens PDGs de la marque) et un « bonus » de « sign in » de 20 millions de dollars pour compenser d’éventuelles pertes liées à son départ de Carlson. Il aurait également touché 6,25 millions de dollars s’il n’était pas parvenu à obtenir le visa nécessaire. Le Wall Street Journal a évalué le montant de son « package » de rémunérations à 32 millions de dollars sur trois ans.
« J’ai beaucoup réfléchi avant de rejoindre Best Buy, indique le Nancéen. Ma vie à la tête du Groupe Carlson était passionnante,  je ne connaissais pas directement le secteur… Mais en regardant la situation de près, j’ai vu qu’il y avait beaucoup d’atouts et qu’un redressement était possible. »
Sa solution: faire de la bicyclette
Pour lui, la situation de Best Buy avait des similitudes avec celle d’IBM à la fin des années 90, quand elle a été remise à flots par Louis Gerstner Jr., qu’Hubert Joly compte aujourd’hui dans son carnet d’adresses bien fourni.
Dans le cadre de son plan « Renew Blue », le Français a voulu améliorer l’expérience client en magasin, en ligne et à domicile. Il a également fait des économies colossales – 1 milliard – qu’il a réinvesties pour permettre à la marque de s’aligner sur des produits moins chers trouvés par les clients sur internet, et ainsi mettre un terme au « show rooming » , une pratique qui consiste à aller voir un produit dans un magasin Best Buy avant de l’acheter à moindre prix sur Amazon par exemple.
« C’est la théorie de la bicyclette: quand elle n’avance pas, elle tombe. Si elle avance et qu’elle ne va pas droit, ce n’est pas grave car on peut rectifier le tir, dit-il pour expliquer les nombreux chantiers engagés. La différence entre un bon leader et un très bon leader n’est pas la qualité des décisions mais la quantité. »
« Je reste français, Monsieur! »
Malgré ces réussites, on le voit peu dans les medias, lui fait-on remarquer. Une « discrétion » qu’assume le Français. Probablement le reflet de son expérience à Vivendi au début des années 2000, où il a vu la chute de Jean-Marie Messier. « Je considère que le chef d’entreprise n’a pas besoin d’être en couverture de la presse. Pour sa propre santé psychologique déjà, mais aussi parce que les redressements sont une affaire d’équipe. »
Même si Hubert Joly s’est hissé aux sommets de « Corporate America », « je reste français, Monsieur!  » – il n’a eu sa carte verte qu’il y a un an et demi. « La France a de nombreux atouts. Elle gagnerait à embrasser l’avenir avec plus d’enthousiasme. Le gouvernement actuel essaye de faire avancer les choses. Il faut aller plus loin, juge-t-il. Toutefois, il faut éviter de faire du French Bashing. La qualité de la main d’œuvre est extraordinaire. L’élite très compétente. Les infrastructures de grande qualité. A l’international, les entreprises françaises marchent bien. Il y a très peu de différences entre une multinationale française et une américaine. »
Des amis puissants
Maintenant que Best Buy est « stabilisé » , le Français veut mettre la marque du Minnesota sur le chemin de la « croissance, de l’innovation et de l’obsession du client » . Car « les acteurs qui s’en sortent sont ceux qui sont obsédés par le client » .
Pour l’aider, il est bien entouré. Il confie être en contact avec le PDG de Ford Alan Mulally, auteur d’un « redressement remarquable » , ou encore Tim Cook, le boss d’Apple. « On est en apprentissage constant ,dit-il. On cherche toujours à s’améliorer » . Mercredi 17 juin, il est attendu à New York pour recevoir un prix de la US Sciences po Foundation. Le rendez-vous affiche complet.
 

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