Le Marquis de Lafayette : « un souvenir qui a de l’avenir »

Le Marquis de Lafayette : « un souvenir qui a de l’avenir »

Par Stéphanie Fontenoy / Le 30 juillet 2007 / Idées/Débats

French Morning: Le 6 septembre prochain marquera les 250 ans de la naissance du Marquis de La Fayette. Pourquoi célébrer ce personnage?
Gonzague Saint Bris: C’est important, car si vous ne parcourez pas les Etats-Unis aujourd’hui, vous aurez l’impression qu’il y a un fossé entre ce grand pays et la France, depuis le discours de Dominique de Villepin à l’ONU en février 2003. Avec le rééquilibrage actuel de l’Amérique et la victoire des Démocrates aux deux Chambres du Congrès, nous sommes dans la période idéale. Célébrer les 250 ans de la naissance de La Fayette n’est pas nostalgique, mais futuriste. C’est le sens de mon action ici. La Fayette est un souvenir qui a de l’avenir. La Fayette était « a man before his time » de toutes les manières. Orphelin et milliardaire à 14 ans, marié à la femme de sa vie à 16 ans. Il dira : « Du premier jour où j’ai entendu le nom de l’Amérique, je n’ai eu d’envie que de verser mon sang pour elle ». Il va mettre sa fortune au service de son aventure et va partir en secret, traverser l’Atlantique. Major General dans l’armée des Etats-Unis, il est un héros dans les deux Mondes, à seulement 21 ans. Il défend les Juifs et les Protestants en France, les Indiens et les Noirs aux Amériques. Il est à l’origine de la cocarde tricolore, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et si nous pouvons voter, c’est grâce à lui. Il était le prophète du suffrage universel. Il était moderne car il préférait la popularité au pouvoir.
French Morning: D’où vous vient cette passion pour La Fayette?
Gonzague Saint Bris: Du fait que cet homme ait été injustement traité, perpétuellement critiqué, accusé d’être le contraire de ce qu’il était. Son nom est connu, mais la personne de l’était pas. Il a été accusé d’être un opportuniste, une girouette, alors que c’était quelqu’un qui incarnait tout ce qu’on demande aux hommes politiques d’aujourd’hui: il était transparent, incorruptible. –p– Il a été combattu, notamment par les royalistes qui pensaient qu’il jouait un double jeu. C’était un homme de la Révolution: à la fois un aristocrate et un démocrate, il est un atypique qui finalement impose sa démarche, un homme d’une précocité extraordinaire et qui va durer longtemps. Quand Napoléon devient Empereur, La Fayette n’accepte aucun des hochets et des jouets que lui tend Napoléon Bonaparte. Il reste loin de la politique.
French Morning: Comment assemble-t-on un roman historique comme celui-là?
Gonzague Saint Bris: C’est un travail de vingt ans sur les deux rives de l’océan. J’ai parcouru les Etats-Unis, j’ai vécu à Philadelphie, j’ai travaillé avec la bibliothèque du Congrès et celle de New York. Je suis allé dans tous les endroits où Lafayette est allé, que ce soit New Port ou les plaines d’Abraham, mais je suis allé aussi dans tous les endroits où il n’est pas allé mais où il a laissé sa trace. Un écrivain, c’est d’abord un lecteur. Nous n’avons qu’une existence, pas très longue, et il peut y avoir des accidents. Je préconise qu’on lise beaucoup pour être milliardaire en vies. Pas seulement vivre sa propre vie mais celle de Mirabeau, de Marie-Antoinette, de Benjamin Franklin. Le travail de l’historien, c’est d’assembler des petits détails merveilleux.
French Morning: Vous êtes un américanophile. Y-a-t’il un message dans votre ouvrage?
Gonzague Saint Bris: Oui, je crois que l’on a besoin de La Fayette, de sa générosité, des deux côtés de l’Atlantique. En Amérique, il y a 40 villes, 7 comtés et une montagne qui portent son nom. La France, dans la morosité où elle est tombée, a besoin de ce modèle de panache, de fougue et de générosité. C’est sans doute pour cela que ce livre marche aussi bien en France, car les Français n’en peuvent plus de ce climat de morosité, de haine de soi et de médiocrité qui ne ressemble pas à la France. De la même façon, l’Amérique a plus que jamais besoin de redevenir le grand pays emblématique des libertés, d’un certain bonheur, tel qu’il était dans les années 60. Malgré tout les problèmes qui existaient, comme la lutte pour les droits civiques des noirs ou le Vietnam, il y avait quand même une image de l’Amérique qui ressemblait à ce qu’en dit sa Constitution, un pays où « la poursuite du bonheur » est un droit constitutionnel.
Propos recueillis par Stéphanie Fontenoy
La Fayette, Gonzague Saint Bris, Editions Télémaque

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