Les musulmans francophones de New York indignés

Les musulmans francophones de New York indignés

Par Laure Guilbault / Le 24 août 2010 / Actualité

« Quand on allume la télévision et qu’on voit toute cette confusion, bien sûr ça nous fait mal, » dit un Marocain de Casablanca à New York depuis une dizaine d’années. « Si c’était une synagogue, cela ne gênerait personne », ajoute-t-il.
Un échantillon d’une demi-douzaine de musulmans français et francophones à New York n’est pas représentatif de l’ensemble d’une communauté (600 000 musulmans résident à New York et ses banlieues; on ne connait pas le nombre de Français musulmans à New York car le recensement n’a pas une approche religieuse). Mais les conversations traduisent une inquiétude de voir leur religion associée à l’extrémisme. « Ce qui est véritablement horrifiant, ce qui ressort des débats, des joutes politiques et des saillies journalistiques, c’est l’amalgame entre islam, islamisme, terrorisme, etc. », s’indigne Yassine Cherkaoui, un Marocain, diplômé d’HEC et actuellement en master de relations internationales à l’université de Columbia.

Le projet de mosquée divise, jusque dans les rangs des musulmans. Tel qu’il est actuellement présenté, le projet Park51, d’un montant de 100 millions de dollars comportera une mosquée, une piscine, une salle de sports, un auditorium de 500 places et un monument à la mémoire des victimes du 11 septembre 2001. Il sera situé à deux rues du site du World Trade Center.  « Certains pensent que les promoteurs immobiliers ont manqué de jugeote. Ils auraient pu choisir de bâtir la mosquée à deux blocs de là », note une Française d’origine tunisienne qui habite à New York.
Mais pour la plupart, le projet ne doit pas être délocalisé et le centre doit être bâti à cet emplacement. « Il faut faire front pour deux raisons: un, la liberté de culte est une vraie richesse aux USA et il serait triste d’y porter atteinte, et deux, les porteurs de ce projet, qui risque fort de naître dans la douleur, peuvent en cas de succès  prouver que oui, Islam et démocratie ne sont pas antithétiques», explique encore Yassine.

A l’approche des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, les musulmans new-yorkais dénoncent l’appropriation politique du sujet, du «pain béni» pour les Républicains, selon la Française d’origine tunisienne. Ils saluent le “courage” de Barack Obama et la prise de position de Michael Bloomberg en faveur de la mosquée, conscients du coût électoral que cela suppose. “Je trouve que Bloomberg a eu plus la posture d’un homme d’état que d’un politicien, ce qui est tout a son honneur », souligne Yassine.
Nombreux sont ceux qui égratignent au passage la politique d’immigration de Nicolas Sarkozy. «En France, l’affaire des minarets suisse et son utilisation par le Front National montre qu’il y a des points politiques à gagner en instrumentalisant la peur et l’amalgame entre Islam et extrémisme ». Yassine ajoute cependant: « L’impression que j’ai, totalement subjective, c’est que le pays connait mieux l’Islam que les USA et que de fait, la population en majorité est moins susceptible de succomber aux discours anti-musulmans. »

Nadia, une jeune Française musulmane, qui travaille pour la Société Générale à New York expliquait récemment  à French Morning : “On est davantage « transparent » à New York. On n’a pas l’impression d’être stigmatisé ». La polémique autour de la mosquée risque-t-elle de remettre en cause cela?

“Non!,” répond Radouane Eljaouhari, propriétaire du restaurant marocain Zerza dans l’East Village. « La France n’est pas les Etats-Unis. Les musulmans sont bien intégrés ici. Ils ont une perspective, un futur. Les grandes entreprises aux Etats-Unis n’attachent pas d’importance à votre nom ou votre religion. » Avec un optimisme tout américain, il conclut :« Il y a beaucoup de confusion. Ce [nouvel épisode] est une opportunité pour l’Islam de sortir de l’obscurité et pour les Américains d’apprendre sur notre religion.»


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