“Et Angot, t’en penses quoi?” C’est une question parisienne. Une question presque inévitable dans le Paris de Saint-Germain des Prés. Une question qui comprend sa réponse: “Nul, non? Christine Angot, c’est un pur phénomène de mode. Comme l’autofiction, d’ailleurs. Il est temps d’en finir avec tous ces écrivains qui ne cessent de se regarder le nombril et qui ont tué le roman. Le roman existe. Il n’y a qu’à regarder du côté de l’Amérique.”
Je serais d’autant plus disposée à penser du mal de Christine Angot qu’elle m’a insultée deux fois. Dans un de ses livres, je ne sais plus lequel, elle a écrit: “Catherine Cusset, Annie Ernaux, toutes ces bonnes femmes.” Ce devait être après la publication de Jouir en 97. À vrai dire j’ai été flattée qu’elle connaisse mon nom et qu’elle m’associe à Annie Ernaux, pour qui j’ai le plus grand respect. (C’est le moment de signaler une revue obscure, Trajectoires, qu’on trouve dans les bonnes librairies parisiennes ou sur l’internet, qui a récemment consacré un numéro à Annie Ernaux).
“Méchante!”
La seconde insulte d’Angot m’a touchée en un endroit beaucoup plus sensible: ma mère. Je venais de publier La haine de la famille. La Fnac m’a invitée à un événement sur l’autofiction et la difficulté d’écrire sur ses proches. Comme j’étais à New York, je leur ai suggéré d’inviter à ma place ma mère, qui pourrait parler de sa réaction à un livre qui la touchait intimement. Ma mère n’est pas écrivain. Le milieu littéraire l’intimide. Le modérateur l’a mise sur la sellette en premier. Christine Angot parlait après elle. Elle a presque réduit ma mère aux larmes en la traitant, elle, sa fille et les oeuvres de sa fille, de bourgeoises qui n’avaient rien à voir avec la littérature. Comme ma mère a une grande âme, ça ne l’empêche pas d’acheter Angot, de la lire, et même d’en dire du bien. Tandis que moi je n’ai qu’une envie: lui tirer la langue et lui crier: “Méchante!”
Je n’ai pas acheté son dernier livre, Rendez-vous. Dépenser 20 euros pour satisfaire une curiosité somme toute modérée? Ce serait oublier que je suis l’auteur des Confessions d’une radine. Angot, la plupart du temps, m’ennuie. Vous avez lu L’inceste, son plus grand succès? Des pages et des pages (deux-cents?) de déblatérations hystériques contre une malheureuse amante qui n’a pas envie de passer Noël avec elle, avant de parvenir aux pages croustillantes qui donnent son titre au livre. Là, il faut le reconnaître, c’est fort. D’autant plus fort qu’elle établit un lien direct entre son écriture décousue, destructurée, désordonnée, et l’inceste qui a cassé à jamais en elle l’ordre et la structure.
Je passais chez une amie, collaboratrice à French Morning que je ne nommerais pas pour ne pas attirer sur elle la vindicte d’Angot tellement obsédée par son image médiatique qu’elle est sans doute en train de lire cette chronique au moment même où je l’écris, quand j’ai remarqué Rendez-vous sur une étagère. J’ai été impressionnée de découvrir que la photo d’Angot sur la jaquette de couverture était l’oeuvre de Nan Goldin, une de mes photographes préférées et une grande artiste, dont la galerie Matthew Marks a montré récemment les photos et le film autobiographique sur le suicide de sa soeur et son propre rapport avec la folie. Angot est “in”, sans aucun doute. “Prends-le, m’a dit mon amie. Tu m’expliqueras.” Elle avait laissé tomber au bout de trente pages.
“Prouesse onaniste”
Pendant les cent premières pages j’ai eu du mal à ne pas laisser tomber. J’ai continué par inertie et pour échapper à un roman américain inspiré par le 11 septembre, qui me semblait complètement faux. Tant de fois, en lisant un roman, on a la sensation que c’est mort, que les mots, comme écrit Camille Laurens dans Ni toi ni moi (paru cet automne aussi, et que je vous recommande sans une hésitation) ont tous “été tirés d’un lieu extérieur à l’auteur,” “d’un dictionnaire, d’une caisse à outils.” On peut critiquer l’autofiction comme un exercice purement narcissique, mais quand l’auteur est un vrai écrivain—comme Serge Doubrovsky, Annie Ernaux, Camille Laurens—son investissement dans l’écriture fait que chacune des phrases vibre de vie et de présence. Quid d’Angot? J’étais curieuse. Mon intérêt pour son histoire avait beau être limité, j’avais beau trouver qu’elle écrivait mal, j’étais retenue par quelque chose, et me suis peu à peu laissée prendre.
Je me demandais si, contre toute probabilité, l’acteur dont elle livrait le nom, Eric Esteroza—avec qui elle avait lu un texte dans un théâtre et couché une fois, et qu’elle poursuivait depuis d’appels incessants—allait finir par la rappeler, s’ils finiraient ensemble et auraient beaucoup d’enfants, si l’auteur nous racontait une histoire heureuse. Cela semblait impossible. Haussant les sourcils, j’avais envie de lui dire: “You know, Christine, quand un mec ne rappelle pas, en général c’est mauvais signe. À quarante-cinq ans tu devrais savoir ça! Mieux vaut renoncer. Laisse les hommes venir à toi. Et pendant que tu y es, laisse aussi l’écriture venir à toi.”
Je n’arrivais pas à croire qu’elle soit si désespérément accrochée à l’attente d’un coup de fil et à l’écriture retraçant cette attente qui tissait un lien entre elle et l’absent, malgré toutes les tentatives de ce dernier de se dérober. Pauvre garçon, me suis-je dit plus d’une fois: quelle poisse d’être tombé sur Angot! Il avait beau faire le mort, c’était trop tard: il se retrouverait couché dans un livre. Je me demandais comment tout cela se terminerait. Il y avait, donc, du “suspense.” Angot avait réussi à m’accrocher. Son éditrice lui aurait rendu service en lui conseillant de couper soixante pages. Mais peut-être le lui avait-elle conseillé et s’était-elle heurtée à l’intransigeance d’Angot, qui doit avoir le sens du sacré quand il s’agit de son écriture.
Il y a dans l’écriture d’Angot, dans sa volonté de désigner l’acte d’écrire au moment même où elle écrit, quelque chose qui relève de la prouesse onaniste où on réussirait à se sucer soi-même—prouesse qui suscite, chez ceux qui y aspirent, le désir obsessif d’y parvenir. Au moment d’achever ce livre, ne sachant toujours pas ce que j’en pensais, mais l’ayant lu assez vite et regrettant presque de le quitter, j’ai songé que c’était cela, l’objet de la littérature: la folie d’une obsession.
“Et Angot, t’en penses quoi?”
Où prendre le pouls de la campagne française ?
«La France n’est pas un pays comme les autres» a dit Jacques Chirac dans ses adieux. «Les Français chérissent leur spécificité avec une férocité à la fois attachante et profondément ennuyante», explique l’éditorialiste David Ignatius dans le Washington Post mais ils «semblent reconnaître que les règles du jeu sont en train de changer». Preuve en est, les trois candidats qui pourraient succéder à Chirac rompent avec le style politique traditionnel français.
D’abord Nicolas Sarkozy, «un américanophile impatient de se faire prendre en photo avc le président Bush à la Maison Blanche à l’automne dernier, ce qui est déjà plus que ce qu’on pourrait dire de la plupart des Républicains du congrès». David Ignatius relève que «beaucoup de français aiment secrètement les importations américaines comme le jazz et les films d’Hollywood, mais Sarkozy aime aussi l’économie de marché». Politiquement, selon lui, l’élection de Sarkozy «marquerait une franche rupture avec la tradition gaulliste de la politique étrangère française, qui se définit depuis les années 1950 en réaction (et souvent en opposition) à l’hégémonie américaine». Il croit que Sarkozy «serait entre autres, plus proche d’Israël et moins automatiquement sympathique aux Arabes que les récents présidents français».
L’élection de Ségolène, aussi, serait un changement. Entre autres parce qu’on a là «une mère de quatre enfants pas mariée(ce qui aide plus que ça ne lui nuit dans un pays qui aime les enfants mais est de plus en plus indifférent au mariage)».
Et Bayrou, aussi, écrit-il mais là, sa démonstration est moins claire.
Changement et résistance au changement, c’est aussi le thème d’un reportage du Los Angeles Times à Evreux, une petite ville française typique avec une cathédrale, des boulots qui partent à l’étranger et des émeutes dans les quartiers.
Le changement en France, ça marche comme les travaux de voirie à Evreux. «Quand un nouveau maire a annoncé une révision du système routier, tout le monde était d’accord pour dire que ça devait être fait. Mais dès que les équipes de construction ont commencé à attaquer les rues, les habitants ont essayé de les arrêter.» «Non», écrit le journal en français, «ça faisait trop de bruit», «c’était pas bien fait», et «il fallait le faire plus tard, peut-être après les vacances». Pour les lecteurs monolingues, le journal précise que «le mot «non» est très populaire en France».
Le
New York Times est allé dans une autre de ses villes qu’on a du mal à placer sur une carte: Auxerre. Une autre ville typique, encore plus typique puisque Auxerre a voté comme la France depuis les élections de 1981. Note au Los Angeles Times qui écrivait qu’Evreux avait «un taux de chômage élevé de 9%», Elaine Sciolino note dans le New York Times qu’à 9 % le taux de chômage d’Auxerre est un peu en dessous de la moyenne française.
A Auxerre, «oasis d’ “équilibre et de sérénité” selon le maire», Bayrou arrive en deuxième position derrière Sarkozy. Restent aussi 46 % d’indécis. Les deux Sarkozy et Royal sont «deux figures polarisantes qui n’inspirent pas confiance». Un employé de café fait remarquer que Bayrou espère avoir le vote des agriculteurs parce qu’il fait du tracteur. «Sarkozy aime faire du vélo, moi aussi, et c’est pas pour ça que je vais voter pour lui». Les indécis sont d’autant plus indécis que depuis que Le Pen s’est retrouvé au second tour des élections de 2002, «les Français n’ont plus le luxe de voter avec leur cœur au premier tour».
Le New York Times consacre aussi un long article à la nouvelle bataille pour l’identité nationale des élections présidentielles françaises, «un sujet longtemps monopolisé par l’extrême droite». Nicolas Sarkozy a proposé la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. La correspondante du quotidien souligne que le candidat «qui a largement évité les banlieues pendant sa campagne, a critiqué les immigrants qui résistaient au modèle français d’intégration». Quant à Ségolène, bien qu’elle ait critiqué l’idée de Sarkosy, «elle lui a emboîté le pas en se drapant dans un manteau de nationalisme», du chant de la Marseillaise à la fin de ses meetings au drapeau tricolore que la candidate voudrait que les Français aient chez eux.
Baston en France. Pas à la gare du nord, mais sur Second Life raconte le Washington Post qui détaille l’attaque du QG virtuel de Jean-Marie Le Pen. Les quatre grands candidats de la présidentielle française ont installé leurs quartiers sur Second Life. «L’intérêt pour la campagne présidentielle française est si fort que grâce aux visites aux cyber-sièges (des partis), la France est le pays à avoir le plus d’avatars sur Second Life», note le Washington Post. Et à côté de ce qui se passe dans les QG de campagne français de Second Life, ceux «des candidats américains sont des villes fantômes». On a même vu une cyber femme en cyber string dans le cyber bureau de cyber Sarko…
Plus de visas de travail avant 2008
Les quotas pour le visa de travail H1B ont été remplis dès le premier jour de dépôt des candidatures (le 2 avril cette année, puisque le 1er avril tombait un dimanche). Depuis deux ans déjà, la limite était atteinte de plus en plus vite : en quelques mois, puis quelques semaines. Record battu en 2007. Lundi 2 avril en fin d’après-midi, le service d’immigration dénombrait 150 000 candidatures.
L’USCIS (United States immigration and citizenship service) va donc tirer au sort les dossiers qui seront acceptés. L’USCIS a toutefois annoncé, que même si suffisamment de dossiers étaient arrivés le premier jour, ceux reçus le 3 avril (dont le nombre n’est pas encore connu) seraient inclus dans le tirage au sort – réduisant les chances des candidats qui avaient postulé au plus tôt. Les dossiers malchanceux seront renvoyés et les frais versés remboursés.
Les titulaires d’un master américain –qui ont postulé en même temps- ne sont pas concerné par ce tirage au sort puisque 20 000 visas leur sont réservés séparément.
Les candidats vont devoir patienter. Avant de tirer les dossiers au sort, il va falloir les trier et les enregistrer, ce qui va prendre « plusieurs semaines » selon l’administration. Au risque de mécontenter ceux qui ont payé $1000 pour que leur dossier soit étudié sous quinze jours.
Nouvelle victoire des anti-foie gras
Wolfgang Puck revendique désormais une «philosophie culinaire saine» qui consiste à utiliser des ingrédients naturels et organiques dans la centaine de restaurants que gèrent les compagnies qu’il dirige. «Nos clients (…) veulent de la nourriture saine en toute bonne conscience» explique Puck.
Ariane Daguin, présidente de l’association de producteurs de foie gras aux USA et fondatrice de D’Artagnan, une entre prise qui produit du foie gras dans le New Jersey, s’insurge. « Cela représente une menace à la liberté fondamentale de choisir comment nous vivons et comment nous mangeons. La tradition du foie gras, vieille de cinq mille ans, est non seulement délicieuse, mais aussi humaine.»
En partenariat avec The Humane Society, une association de protection des animaux, le chef Autrichien a mis au point un programme en neuf points pour promouvoir une meilleur traitement des animaux. Il s’engage à servir de la viande qui provient exclusivement d’élevages répondant aux stricts critères de traitements «humains». Selon le chef, la nourriture a meilleur goût quand elle vient d’animaux qui ont été traités «humainement». Outre l’élimination du foie gras des menus, il prévoit de servir du poulet et de la dinde élevés dans des fermes qui se conforment aux «critères progressistes de bien-être des animaux». (Cependant, en marge de ces engagements, les chefs continueront à couper en deux les homards encore vivant.) Parallèlement, la chaîne Wolfgang Puck va augmenter la section végétarienne de ses menus.
Ariane Daguin souligne l’ironie de la décision. «La production de foie gras est justement le type d’agriculture à petite échelle, traditionnelle, humaine, que M. Puck dit vouloir promouvoir.»
Les activistes de Farm Sanctuary, une association qui milite pour les droits des animaux, font pression sur Wolfgang Puck depuis cinq ans, en distribuant des tracts à l’entrée de ses restaurants. Ils avaient aussi lancé un site internet, wolfgangpuckcruelty.org, qui encourageait à dire non aux produits du restaurateur, pour qu’il cesse de promouvoir «les abus des animaux». Depuis la décision de supprimer le foie gras, il a été rebaptisé Wolfgang Puck Victory. Farm Sanctuary affirme avoir convaincu mille restaurants à travers les Etats-Unis de ne pas vendre de foie gras.
La pêche aux voix prend le large
Jamais les « expats » n’avaient autant intéressé les candidats à une élection présidentielle française. La semaine dernière, des centaines de milliers de Français de l’étranger ont reçu, par email, une « Lettre à mes compatriotes expatriés », signée François Bayrou. Le lendemain, prouvant la rapidité de réaction des ses équipes de campagne, Nicolas Sarkozy débarquait dans les boîtes d’emails de ses « chers compatriotes établis hors de France » . Ségolène Royal suivra très bientôt.
Si les électeurs français de l’étranger sont subitement devenus un enjeu, c’est qu’ils sont plus nombreux que jamais. Plus de 830 000 sont inscrits sur les listes consulaires cette année, une augmentation considérable : ils étaient moins de la moitié en 2002. « L’équivalent du 8ème département français » souligne Guy Wildenstein, le représentant de l’UMP à New York, qui explique cette croissance en partie par « l’effet 2002, où beaucoup de Français de l’étranger ont été traumatisés par l’image projetée par le passage de Le Pen au second tour ».
A New York, le nombre d’inscrits sur la liste électorale du consulat est passé de 15 000 à 19 000 en cinq ans. Dans l’ensemble des Etats-Unis, 75 000 Français sont inscrits pour
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Nombre d’inscrits sur les listes aux US
|Circonscription consulaire|nombre d’inscrits|
|New York|18 429|
|San Francisco|12 224|
|Los Angeles|12 667|
|Washington|8 422|
|Miami| 6 886|
|Chicago|4386|
|Houston|3934|
|Boston| 3190|
|Atlanta|3 214|
|La Nouvelle Orléans|561|
|TOTAL|74663|
—————————
voter à la présidentielle. Les « expats » sont désormais une force qu’aucun candidat ne peut se permettre de négliger, d’autant plus que tous se souviennent qu’en 2002, il n’a manqué qu’à peine 200 000 voix à Lionel Jospin pour passer au 2ème tour, ou encore qu’en Italie l’an dernier, Silvio Berlusconi a dû sa défaite aux voix venues de l’étranger.
Dans cette course, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy disposent notamment de troupes militantes qui manquent cruellement au candidat de l’UDF. L’UMP compte 60 sections et 4600 adhérents à l’étranger. La fédération des Français de l’étranger du PS affiche elle 2200 membres.
Nicolas Sarkozy est sans doute le candidat qui mise le plus sur ces voix, et pour cause : les Français de l’étranger votent traditionnellement nettement plus à droite que la moyenne des Français, même si la différence semble s’estomper élection après élection. Le candidat de l’UMP a donc déployé des moyens et des efforts à la hauteur de ses espoirs. Les « Français expatriés » ont droit à leur propre page sur Sarkozy.fr et même à leur propre programme sur NS TV, la « chaîne » de télévision du candidat, sur le même site.
Expatriés-symboles
Au moins autant que sur leurs voix, Nicolas Sarkozy compte aussi sur les Français de l’étranger comme symboles du message qu’il entend faire passer sur la France. « Voyant la France de dehors, vous voyez mieux encore ses défaillances et ses faiblesses et elles vous sont encore plus insupportables » a-t-il dit aux Français de Londres en janvier, ironisant, sous les applaudissements, sur la semaine de 35 heures. : « On a besoin de votre travail, de votre intelligence, de votre imagination et de votre enthousiasme ». Et leur a lancé un appel au retour : « Revenez parce qu’ensemble nous ferons de la France une grande nation où tout sera possible, où les pères n’auront plus peur pour l’avenir de leurs enfants, où chacun pourra réaliser ses projets, devenir responsable de son propre destin. »
Ségolène Royal a, elle, pris un peu de retard au démarrage, retard qu’elle tente de rattraper depuis. Elle a choisi Berlin, le 6 mars dernier, pour son grand discours aux Français de l’étranger, mais a surtout consacré beaucoup d’énergie a rattraper une “gaffe” de Dominique Strauss-Khan. Celui-ci a proposé une “taxe Johnny Halliday”, visant à lutter contre les expatriations à but d’évasion fiscale. L’ancien candidat à la primaire socialiste proposait l’établissement de l’imposition du revenu mondial de tout citoyen français, qu’il réside ou non sur le territoire national. Le système s’inspire en réalité du régime américain, “mais il a été mal compris dès le début, nous avons donc décidé de le retirer tout de suite”, explique Richard Young, sénateur PS des Français de l’étranger
A SUIVRE: la semaine prochaine dans French Morning les propositions des candidats pour les Français de l’étranger
ATTENTION: aux Etats-Unis, on vote le samedi, soit les 21 avril et 5 mai, de 8 h à 20h.
La double vie américaine de François Girbaud
Flashback. Ou plutôt Flashdance, du nom du film qui popularisa leurs vêtements aux Etats-Unis. On est au début des années 1980, Marithé et François Girbaud deviennent les rois du streetwear, avec des jeans stonewashed et des pantalons baggys. Succès aux Etats-Unis. Même le New York Times s’extasie alors devant leurs vêtements qui évoquent « les survêtements qu’on porte dans nos meilleures prisons, et les combinaisons des techniciens de la NASA ».
Les Girbaud vendent alors leur licence à un distributeur qui en fait les rois dans le monde de la hip-hop. Les rappeurs adorent Djirbod’ comme on le prononce au nord de Central Park.
« Mais aujourd’hui, on se retrouve ghettoisé » se plaint François Girbaud.
Les vêtements haut-de-gamme pour femmes ne sont pas arrivés jusque là. A croire que les rappeurs ne sont pas sensibles aux petits boutons de nacre et aux coutures extérieures délicates des petites robes vaporeuses.
Pour exister autrement qu’auprès du « segment urbain » – euphémisme américain pour parler des quartiers noirs- en 2001, Girbaud prend pignon sur rue dans les beaux
quartiers. Au 47, Wooster Street, une petite rue pavée entre Grand Street et Broome Street. « Deux blocs trop au sud » grogne François Girbaud dans sa barbichette (découpée en deux carrés qui doivent demander de l’entretien). « Juste au moment où les autres partaient vers le meatpacking district. »
Une agence de com a donc été chargée de ressusciter l’endroit une fois par trimestre. C’est Zoe Bradley une artiste londonienne qui a accroché d’immenses fleurs violettes et blanches un peu partout dans la boutique. Des
installations aux airs de papier sculpté qu’on retrouve sur une dizaine de chapeaux à 1800 dollars pièces. Sur les portemanteaux, des robes en chiffonnade ravissante. Un type passe vêtu d’une veste bariolée de la nouvelle collection. « Cute » dit une cliente. « Cette veste ? » relève une vendeuse. « Non, l’homme…. » Sur les tables, du pop corn jaune et des chamallows blancs. Aux platines, la DJ passe « Je sais » de Jean Gabin. Le champagne se boit à la paille fluo dans des mignonnettes jaune. Ca fait plein de mousse, on a peur de s’en mettre dans le nez. « Qu’est-ce que c’est joli et sexy, il n’y a que les Françaises pour oser porter des choses comme ça !» s’exclame une Américaine face à une des organisatrices vêtue d’une combinaison dont le décolleté semble décoré de pétales. Dehors, la file de ceux qui attendent de rentrer s’est allongée. Pas de rappeur à l’horizon.
Exhibition “The Hanging Gardens of Pulp”, Marithé + François Girbaud boutique, 47 Wooster Street. PLAN
Focus On French Cinema
Dans la foulée de Rendez-vous avec French cinéma, les films français continuent d’être à l’honneur ce mois-ci à New York avec l’ouverture le 30 mars, à Purchase College dans la region de Westchester, du festival Focus on French Cinema. Situé à une heure au Nord de Manhattan, le festival a pour volonté d’apporter un peu de la culture francophone à New York mais aussi l’opportunité de rencontrer les réalisateurs et acteurs tel que Claude Brasseur et Luc Picard .
Pour cette troisième édition, le festival ouvrira le vendredi 30 mars avec la première américaine du film Le Héros de la Famille, comédie dramatique de Thierry Klifa, avec en vedette Gérard Lanvin, Catherine Deneuve et Emmanuelle Béart. Cette première sera suivie d’un débat ainsi que d’un dîner buffet.
Le festival offre un panorama de onze films francophones. En plus de Le Héros de la Famille, il y aura deux autres première J’invente Rien de Michel Leclerc et Un Ticket pour l’Espace d’Eric Lartigau. Le reste de la sélection comprend des films français, belges et québécois tels que Bon Voyage de Jean-Paul Rappeneau ou encore l’Enfant de Frères Dardenne Palme d’or au festival de Cannes en 2005.
Le festival est organisé par l’Alliance Française de Greenwich, French Feeling et Purchase University. En plus des films et des débats, le festival propose aussi des services pratiques comme des navettes depuis la gare ainsi que un service de baby-sitting samedi et dimanche à réserver en avance bien entendu.
Focus on French Cinema
Performing Arts Center au Purchase College.
Les 30, 31 mars et 1 avril 2007.
Une campagne chaude chaude chaude
Littérature d’abord. Le New York Sun a lu Témoignage de Sarkozy. « Les Américains bien disposés à l’égard de la France ont beaucoup de raisons d’espérer la victoire de Nicolas Sarkozy aux présidentielles d’avril» attaque Claire Berlinski. « C’est l’homme politique le plus dynamique et le plus excitant que la France ait produit depuis des années. » C’est un « admirateur fidèle de l’Amérique », il va réformer le système des aides sociales françaises, moderniser le système éducatif français de seconde zone. Et, « contrairement à sa rivale, la jolie tête de linotte Ségolène Royal, ce n’est pas un socialiste fatigué qui declare que l’argent est un “ennemi” ». Sarkozy est aussi selon elle « le seul capable de relever les défis de l’intégration des minorités musulmanes», « il déplore à raison que la culture française contemporaine décourage l’initiative », il est proche d’Israël etc…. Suivent plusieurs autres louches de compliments. Et la publication de Témoignage donne à l’auteur une autre raison d’espérer sa victoire aux élections : « s’il gagne, il sera trop occupé à réparer la France pour écrire un autre livre ridicule comme celui-là ». Oui, écrit-elle, elle est bien fan de Sarko, « mais tout comme certains écrivains ne devraient pas faire de politique, certains politiciens ne devraient pas devenir écrivains ». On apprend que Témoignage a été raccourci pour sa publication aux Etats-Unis. Que le livre original « ait été à la fois plus long et un bestseller de l’été – manifestement un favori sur les plages – peut seulement être considéré comme une preuve du masochisme des lecteurs français. »
Ah et à ceux qui penseraient que Sarkozy est très à droite, Claire Berlinski explique à ses lecteurs que sur des standards américains, on le considérerait de centre gauche.
Parlant de Sarkozy, il a enfin obtenu le soutien de Jacques Chirac, note Elaine Sciolino dans le New York Times.
Un soutien accordé « sans fanfare, passion ou enthousiasme », sans même que les deux hommes s’affichent ensemble, et présenté comme une marque de loyauté pour l’UMP plus qu’un appui personnel au candidat. Le New York Times note que Sarkozy est plus épris des Etats-Unis que le président actuel, et s’intéresse moins que lui « au traditionnel axe franco-allemand».
Le Zénith est normalement réservé à des stars comme Public Enemy, les Beastie Boys et B.B. King, note le Washington Post qui y a vu François Bayrou recevoir « le type d’adulation que les stars du rock espérent mais dont la plupart des hommes politiques ne peuvent que rêver ». La foule était folle d’enthousiasme pour un candidat qui « reçoit des tracteurs en jouet comme cadeaux de ses supporteurs, dont beaucoup de Français n’arrivent pas à prononcer le nom et qui n’avait des sondages qu’à un chiffre il y a quelques mois ».
Bayrou (Bye-roo) au moins, a des cheveux. « Historiquement, les présidents français ont été des vieux types chauves – Valery Giscard d’Estaing, François Mittrrrand, Jacques Chirac. En terme d’attraction sexy, imaginez une ligne sans fin de Dick Cheneys » résume dans une tribune au New York Times Stephen Clark, l’auteur du bestseller A year in the Merde (qui a sans doute oublié que VGE avait 48 ans en arrivant à l’Elyée, la calvitie ça vieillit les souvenirs). « Cette fois, les deux candidats en tête ont leurs cheveux, et l’un d’eux a du rouge à lèvres. ».
Jusqu’à présent, explique le Britannique, le sexe ne jouait pas de rôle majeur dans les campagnes françaises (électorales s’entend, note de la newsletter). Les derniers présidents avaient des maîtresses, plutôt discrètement, écrit Stephen Clark. « En plus, les Français ne croient pas que la monogamie rende un homme politique plus efficace ». Là Stephen Clark voit du sexe partout : le départ de Cécilia Sarkozy avec son amant avant que son mari ne la fasse revenir « peut-être avec la promesse qu’elle choisira bientôt les rideaux du palais présidentiel » ; de l’air épanoui de Ségolène qui nourrit plein de spéculations sur sa vie sexuelle (j’ai de la boue dans les yeux, moi je voyais juste une candidate qui souriait).
La campagne française était donc partie pour être « glamour et clintonesque ».
Jusqu’à l’apparition de Bayrou, « sorte de prozac politique après les amphétamines du conflit Sarkozy-Royal ». Il est agriculteur « ce que même les électeurs urbains jugent la quintessence de la France ». Et on vous a dit qu’il avait un tracteur ? « Il ne faut pas sous-estimer la force de cette image rustique sur le mental national. Si vous donnez à un français moyen le choix entre un président réformateur qui mettrait fin à l’énorme déficit du pays et un bon fromage, il choisirait probablement le fromage. » C’est la raison pour laquelle selon lui en France, « les candidats n’embrassent pas seulement les bébés, ils embrassent aussi les vaches ».
Mais revenons à l’air épanoui de Ségolène Royal. C’est le magazine More qui creuse la question. More est le magazine des femmes de plus de 40 ans. Je le précise parce que dans le premier paragraphe, la journaliste Nina Burleigh explique que Ségolène est la première femme politique de 53 ans « fantastique en bikini », et qui « donne ainsi de l’espoir à toutes les femmes mûres ».
Elle explique que lorsqu’elle s’est installée en France il y a cinq ans, une Française lui a fait remarquer que les Américaines s’imposaient toujours d’être dures et pas sexys. Elle a mis la remarque sur le compte d’une éducation sexiste « dans un pays qui n’a pas accordé le droit de vote aux femmes avant la deuxième guerre mondiale ». Et à l’usage du temps, elle trouve effectivement les femmes françaises plus sexys « parce qu’on attend d’elles qu’elles le soient ».
Elle en déduit qu’au début des années 1980, au début de la révolution de la place des femmes dans les entreprises, elles ont choisi d’avoir l’air masculines pour lutter contre le harcèlement sexuel. Les femmes qui convoitent des postes politiques élevés aujourd’hui étaient les leaders de cette révolution selon elle, d’où « des uniformes en rouge et bleuf vifs qui suggèrent des frontières, des traités, des drapeaux, des cartes militaires ». Ségolène, à côté, « porte ses cheveux détachés, sans qu’ils soient coiffés en casque ». Elle est féminine. Elle et François Hollande « ont l’air d’avoir probablement encore des relations sexuelles » écrit la journaliste qui se laisse emporter. « Vous imaginez ça d’Hillary Rodham Clinton ? En bikini ? Ayant l’air d’éventuellement aimer le sexe ? Non. Ni (Barbara) Boxer, ni Feinstein, ni Rice, ni Pelosi. Nous ne pouvons pas – et nous ne voulons pas imaginer nos femmes politiques en string. On peut, à peu près, imaginer Royal en string. Dirigeant la France ».
Cette revue de presse n’a aucun mal à se souvenir des images de Barack Obama se baignant dans les rouleaux d’Hawaï à Noël et verrait d’un très bon oeil qu’il dirige les Etats-Unis en maillot.
LES SOLDES CETTE SEMAINE
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Les sweaters en cashmere coûtaient $428. Ils sont en vente à $69. Les jupes et pantalons à $79.
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Mercredi à Vendredi 8h30 à 19h30
Samedi 10h à 17h
520 5th Ave. angle 43rd St.
2e étage
212 398 2622
Mode de paiement : Cash / Carte de crédit
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Jeans et pantalons, robes et blazers à $20
Ceintures et chapeaux à $5, portefeuilles à $10, sacs cuir à $20, etc.
Attention : il est possible de trouver des défauts sur certaines marchandises.
Pour celles qui ont le courage d’aller dans le New Jersey…
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Mercredi de 9h à 18h
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917 533 8251
Mode de paiement : Carte de crédit
Tom & Linda Platt
Chez les “designers de Vogue” vous trouverez principalement des pièces soir et cocktail, dont les prix se situent d’ordinaire entre $500 et $5,000. Ici entre $50 et $500.
Du 22/03 au 23/03
De 9h à 17h
29 W 38th St. (entre 5th Ave. & 6th Ave.)
6e étage
212 764 1210
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Laura Beth’s Baby Collection sale
La boutique de l’Upper East Side solde ses berceaux, rocking chair et autres tables à langer entre -50% et -60%.
Du 21/03 au 10/04
Uniquement sur rendez-vous
321 E 75th St. (entre 1st Ave. & 2nd Ave.)
212 717 2559
Bellino’s spring sale
Literie italienne de luxe soldée à -80%.
Du 25/03 au 28/03
Dimanche à mardi de 9h à 18h30
Mercredi de 9h à 17h
317 W 33rd St (entre 8th Ave. & 9th Ave.)
718 747 1656
Mode de paiement : Carte de crédit
Echo Of The Dreamer Designer Jewelry Sample Sale
On les voit dans les magazines de mode, mais les bijoux Echo of the Dreamer ne se trouvent en vente que dans les enseignes les plus sélectives. D’habitude. Découvrez leurs pièces uniques en solde.
Bracelets à $280-$900, ici à $60-$215
Bagues à $190-$550, ici à $15-$210, etc.
Du 20/03 au 24/03
Mardi à vendredi de 10h à 18h
Samedi de 12h à 16h
242 W. 30th St. (entre 7th Ave. & 8th Ave.)
14e étage
212 594 8022
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Robert Lee Morris
Le designer de Soho solde boucles d’oreille, bagues, bracelets et pièces uniques. Bijoux or 18 carats et argent signés Robert Lee Morris Couture et RLM Studio jusqu’a -60%.
Du 22/03 au 25/03
De 11h à 18h
400 W. Broadway (entre Spring St. & Broome St.)
212 431 9405
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La presse américaine se passionne pour la campagne française
La semaine dernière, il y a eu de la campagne française plein la presse américaine. A commencer par le Washington Post qui remarque que Ségolène n’a pas les femmes dans sa poche. Le quotidien a interrogé une femme ordinaire (elle avait un sac de courses à la main), qui « comme beaucoup de françaises » a suivi la campagne de Royal en espérant « un triumvirat de femmes à la tête de trois puissances occidentales pivots : Royal en France, Hillary Rodham Clinton aux Etats-Unis et Angela Merkel en Allemagne. » Mais à cinq semaines des élections, écrit le Post, les électrices lasses du pouvoir masculin comptent pourtant parmi les critiques les plus farouches de Ségolène. Est-ce que la France met la barre plus haut en termes de compétences parce que c’est une femme ? La France politique est-elle machiste ? « La France se classe 22ème des pays de l’Union européenne selon le pourcentage de femmes au parlement (avec un peu plus de 12 %), et en 87ème place mondiale, derrière le Pakistan, l’Afghanistan et les Emirats arabes, où le pourcentage de femmes au parlement est près du double de celui de la France ». Le Washington Post note encore que Ségolène joue de son image de femme et de mère, «à la différence de Merkel en Allemagne qui a gommé sa féminité au point de refuser d’embrasser des bébés en campagne ». Serrons les mains des bébés !
La correspondante du Christian Science Monitor a regardé Ségolène dans «A vous de juger » sur France 2, et note que la France s’est mise au format « town hall » (historiquement, les réunions à la mairie où chacun peut prendre la parole) avec des émissions « dans lesquelles des « vrais gens » plutôt que des journalistes ou des experts interrogent les candidats aux présidentielles ». Autrefois, le grand événement des campagnes françaises, c’était le débat, « la tendance cette fois est à des campagnes virtuelles qui court-circuitent journalistes et experts ». Ces émissions changent la nature du débat, puisque les gens comme tout le monde « ont tendance à utiliser leur minute d’antenne pour se plaindre du montant de leur retraite plutôt que pour titiller les hommes politiques sur la dette nationale ». Le format avait l’air d’arranger Ségolène. «C’est la démocratie participative, s’est enthousiasmée Madame Royal, adepte des manœuvres de contournement des questions du public et balayant les appels de l’animateur à des réponses concises ». La journaliste Susan Sachs relève que Sarkozy a répondu à 46 questions pendant l’émission, contre 27 pour Bayrou, « un ancien enseignant qui a tendance à faire la leçon ». (Les lecteurs noteront que pour le Christian Science Monitor, Bayrou est « un ancien enseignant » quand pour le New York Times, il est quasi systématiquement « un agriculteur »).
Les électeurs français se tournent vers Bayrou, parce qu’ils ont peur du discours dur de Sarkozy en matière d’immigration et de sécurité et sont inquiets des gaffes de Royal, selon le Washington Post. « Il attire les électeurs moins pour ses positions politiques, souvent mollassonnes, que pour son image d’homme politique honnête et droit».
Enfin, voilà Jean-Marie Le Pen sur les bulletins, « le politicien anti-immigration qui a surprise la France et le monde en finissant deuxième des présidentielles de 2002 » rappelle le Washington Post. « Bien qu’il ait été un loup solitaire dans la campagne de 2002 à dénoncer l’immigration et à épouser des politiques protectionnistes, beaucoup de ses vues font maintenant partie du débat politique » depuis l’embrasement des banlieues de l’automne 2005
Quant au New York Times, la campagne est le prétexte d’un article au vitriol sur l’état de la culture en France. « Le gouvernement français dépense 3,8 milliards en arts chaque année, trente fois le budget du National Endowment pour les Arts américains (…) Pourtant le mot culture a à peine été mentionné dans la campagne ». Alan Riding, correspondant à Paris a l’impression que « même les célébrités du showbiz ne sont pas courtisées par les candidats » (aie, Johnny va se désabonner de French Morning). Il a trouvé des gens qui se souciaient de cette absence : la réalisatrice Pascale Ferran dans son discours aux Cesars, la Soprano Natalie Dessay aux Victoires de la musique classique, et même le ministre de la culture Renaud Donnedieu de Vabres. Les intellectuels français « qui ont pour habitude de se faire entendre sur les questions nationales et internationales semblent, disons si ce n’est pas silencieux, certainement confus, et dans la plupart des cas, gardent leurs distances des trois candidats ». « Est-ce important ? » se demande le correspondant Alan Riding. « Problablement pas. »
Certes « depuis 25 ans, les investissements du gouvernement français ont permis l’Opera Bastille, la pyramide du Louvre, la très grande bibliothèque, la Cité de la musique et récemment le Musée du Quai Branly », sans compter les subventions aux créateurs et artistes en tout genre. « Est-ce que les contribuables français en ont pour leur argent ? » demande Alan Riding. Il a l’air de penser que non. « La scène artistique française a perdu de son écho. La culture du passé semble à l’abri, avec des musées publics, des opéras et des théâtres bien fréquentés. Mais les créateurs, des artistes visuels aux écrivains, semblent déconnectés de la société. Dans un pays saisi d’incertitude sur son identité, dans une campagne dominée par les changements du monde (ah oui ?), ils n’ont pas grand-chose à dire. »
Il voit une explication : « les artistes, comme beaucoup de gens en France, sont obsédés par la protection de leurs privilèges ». Et « quand les Français se plaignent de la morosité de l’état de l’art contemporain, ils blâment instinctivement le gouvernement, comme si les artistes et galeries ne portaient aucune responsabilité ». Bon, on a un peu perdu la campagne en cours de route mais Alan Riding a vidé son sac dans un article qui évoque un peu son « Où est passé la gloire de la France ? » qui avait fait des remous il y a dix ans.
Malheureusement, à cette époque, vous n’aviez pas ni revue de presse, ni French Morning.
Everywhere en même temps
Le débit est ultra-rapide. Le sourire éclatant. Maryline vient de signer sa première relocalisation . « En un mois j’ai réussi à trouver un appartement à New York pour un client parisien. il voulait investir aux Etats-Unis pour des raisons familiales et parce que la parité Euro / Dollar est considérablement avantageuse . Il a fallu aller vite, dénicher le bon quartier . J’ai un très bon broker et un avocat hyper compétent. C’est signé, c’est un vrai soulagement ».
Son idée porte un nom, un peu froid : relocalisation. Relocation en anglais. La définition de Maryline Marquet est beaucoup plus claire : « je m’adresse à des cadres, à des familles plutôt aisées qui vont s’expatrier de Paris à New York ou l’inverse, pour des motifs professionnels ou personnels. » C’est au moment de cette prise de décision que son agence Ubiquicity intervient. Le but est d’accompagner ces clients dans leur implantation à l’étranger. Trouver le bon plan à New York nécessite de la souplesse. Il faut venir, se loger , taper à la bonne porte en dénichant un broker qui fera les recherches et les visites.
« La plupart des cadres n’ont pas suffisamment de temps à consacrer à toutes ces recherches parfois compliquées. Ce que je propose c’est un service clef en main. Un véritable service à la personne .»
En ce moment Maryline est en contact avec un couple de français à la recherche d’un emploi et d’un logement à New York. «Une boîte de pub américaine me demande aussi de m’occuper des démarches pour une famille qui risque d’arriver en France» . Pour ces familles, l’aide va jusqu’à leur proposer de visiter les écoles ou de leur faire rencontrer des nounous. Tout dépend de la prestation mais les tarifs varient de 1500 à 3000 dollars pour une relocalisation complète.
L’approche de l’expatriation n’est pas la même chez un Français et un Américain. Aux Etats-Unis ce marché est considéré comme un service: un coup de fil, pas de temps perdu, efficacité maximum et rentabilité… « Le contact avec les cibles françaises n’a rien à voir » explique Maryline. « On sent qu’il y a moins d’argent à dépenser , c’est très net. Et puis la mentalité est différente , les français aiment improviser et se débrouiller. Le système D à la française n’est pas un mythe ».
Cette jeune femme de 28 ans, major de promo de l’EDHEC (2001) habite New York et revient plusieurs fois par mois à Paris en fonction de ses clients. Elle répond aussi à des demandes plus touristiques. Plusieurs familles françaises l’ont contacté via son site internet pour venir en vacances à New York mais en désirant vivre à l’américaine, dans un loft made in NY. Pas à l’hôtel. C’est à elle de dégoter la bonne adresse. Ou les billets pour le match des Rangers au Madison Square Garden. « J’ai aussi des femmes fortunées qui souhaitent se faire accompagner dans leurs shopping. Je leur fourni un ‘personal shopping service’ ». Pour 150 dollars, une tête chercheuse dégotte les bottes montantes en cuir jamais vues à Paris ou la lampe qui rendra folle de jalousie la copine du 16eme.
Accoudée au bar du Coffee Shop de Union Square, Maryline refuse le 5ème café de la journée. Les RDV s’enchainent pour vendre son idée. Elle y croit énormément. Depuis le 18 novembre dernier , date du lancement de sa société, son site internet reçoit en moyenne 150 visites par jours. Pour l’instant l’intérêt se porte surtout sur la relocalisation plutôt que sur les services consos comme la leçon de yoga privée ou le dog walking (promeneur de chien) facturé 15 dollars la promenade.
Sur le site d’Ubiquicity, New York apparait à la tombée de la nuit. Photo électrique , la lumière tombante donne à la ville une teinte pourpre énigmatique. La dominante Chrysler Tower est adossée à une Tour Eiffel toisant les nuages. Un bandeau vert techno flashy résume le concept : « facilitateur de vie ».
L’histoire personnelle de Maryline n’est pas étrangère à l’aventure d’ Ubiquicity -nom inventé par une de ses copines, contraction de ubiquité et de city. Fille d’ ingénieur, née à Toulon, elle a passé sa vie à déménager : 11 fois en 15 ans. New York, Paris, Bruxelles. Le Moyen Orient. L’Asie à Tokyo. Ses parents habitent aujourd’hui en Chine.
« Je sais ce que signifie changer de vie, de langue, de culture et de repère. Ma plus value est là : je peux conseiller les autres en sachant ce qu’ils ressentent avant de se lancer dans la grande aventure à l’étranger».
“Vous avez lu Claire Messud?”
Je n’avais jamais entendu parler d’elle. Je suis de loin, et souvent avec du retard, l’actualité littéraire. Mais à New York cet automne, il y avait autour du nom de Claire Messud ce qu’on appelle un “buzz”, ce bruit qui met soudain un écrivain sur le devant de la scène. “N’est-elle pas Française?” quelqu’un m’a demandé. “Je ne crois pas,” ai-je répondu. Je n’en avais aucune idée. Son nom, son roman, The Emperor’s Children, apparaissaient dans un journal ouvert au hasard, en devanture d’une librairie, dans le métro, sur la console de l’entrée chez des amis qui nous avaient invités à dîner. J’ai décidé d’emprunter le livre à la bibliothèque: j’étais sept cent troisième sur la liste d’attente. Ça ne me dérangeait pas. Puis un ami m’a dit: “Tu as lu Claire Messud? Elle est Française. Vous avez plein de choses en commun. Elle raconte son histoire dans son précédent livre, The Last Life. Il te plairait, je pense.”
À Barnes and Noble, j’ai découvert qu’elle était l’auteur de quatre livres, When the World was Steady, The Hunters, the Last Life, and The Emperor’s Children. Tous ses livres précédents avaient été des “New York Times Notable Book of the Year,” mais elle n’avait guère eu de succès commercial jusque là. Elle était considérée comme un auteur “littéraire.” Deux de ses livres étaient traduits en français, chez Gallimard.
J’ai commencé The Last Life avec la circonspection qu’on a souvent quand on découvre un nouvel auteur, surtout quand l’auteur en question est à la une de l’actualité et qu’on est soi-même écrivain. The Last Life raconte deux années dans la vie d’une adolescente française vivant sur la côte d’Azur, dont la mère est américaine, et le père un pied-noir d’Algérie. Le père de Claire Messud est en effet un pied-noir d’Algérie, et sa mère américaine, mais j’ai été surprise de lire dans un entretien qu’elle a grandi en Australie et au Canada, pas en France. Je ne peux m’empêcher de penser qu’elle a des grands-parents sur la côte d’Azur, chez qui elle a passé les étés de son adolescence car il y a dans ce livre un ton autobiographique qui ne trompe pas.
L’adolescente retrouve chaque soir un groupe d’amis au bord de la piscine de l’hôtel de son grand-père, et c’est là que se passe le drame. Le grand-père déprimé et paranoïaque finit par tirer un soir sur les adolescents et par blesser l’une d’elle. Claire Messud remonte alors dans le temps pour narrer l’histoire de son grand-père en Algérie et celle de son père. Anglo-saxonne par son goût du détail réaliste très visuel, Messud est française par son penchant pour l’analyse et la réflexion philosophique. Plus on avance dans le livre et plus on se laisse prendre par l’histoire de cette famille de pieds-noirs d’Algérie et leur nostalgie du pays perdu. Messud sait fabriquer une histoire, “a story”. Il y a dans la voix de sa jeune narratrice, même quand elle raconte des événements aussi dramatiques que le suicide du père, un certain détachement, une froideur même, mais aussi une gravité et une beauté qui font qu’on n’a pas envie de quitter le livre mais qu’on souhaiterait s’enfoncer avec elle dans son passé et le désert algérien.
The Emperor’s Children est un livre complètement différent. C’est un roman à la
troisième personne, plein de personnages, d’intrigues et de dialogues, sur de jeunes trentenaires new-yorkais pendant une année qui s’achève avec 9/11. Les deux premiers chapitres évoquent des lieux très contrastés: un dîner mondain en Australie où une jeune productrice new-yorkaise tombe sous le charme d’un journaliste à l’accent britannique qui doit bientôt venir s’installer à New York; une maison dans les Berkshires où une jeune new-yorkaise riche s’est retirée pour achever le livre qu’elle traîne comme un boulet depuis presque dix ans. L’extrême précision du détail et l’abondance du dialogue font surgir les lieux et les personnages. Quand j’ai commencé ce livre, j’ai pensé qu’il allait me tenir délicieusement compagnie. Petit à petit, j’ai déchanté. The Emperor’s Children est un roman très ambitieux, mais après un début brillant, il m’a paru s’essouffler, n’avoir pas les moyens de son ambition. Il n’y a pas un personnage qui s’élève au-dessus des autres. Ils sont tous médiocres et mesquins, même le tout jeune homme débarqué de sa province qui veut démasquer son oncle, le grand homme, le cynique écrivain à succès. Messud sait remarquablement décrire les petitesses de l’amour et de l’amitié, le regard critique qu’on porte sur le narcissisme insupportable de l’autre sans jamais le lui dire. Mais on aurait envie, parfois, de sentiments plus élevés. Visiblement, elle ne croit pas en ses personnages. Elle ne les aime pas. Leur médiocrité a quelque chose d’adolescent.
Juste après avoir fini The Emperor’s Children, je suis tombée sur plusieurs personnes qui venaient de le lire. Chaque fois j’ai entendu exprimer la même déception: “Ce n’est pas si bien, quand même. Je ne sais pas pourquoi on en a tant parlé.” Et pourtant, chacune de ces personnes l’avait lu en entier et avec plaisir: c’est un livre facile et vivant, qui se suce comme un bonbon.
J’ai lu un entretien où Claire Messud se demandait si elle devait attribuer son succès commercial au fait qu’écrivant ce livre entre deux tétées, elle l’avait dépouillé des réflexions dont ses autres livres étaient remplis. Ce serait une bonne nouvelle pour les romancières qui hésitent à procréer par peur de perdre leur créativité: faites des enfants, et vous écrirez des livres alertes, vifs et malins. Plus tristement, cela confirme que le récit disparaît aujourd’hui au profit du dialogue et du “power point.” Débarrassée de sa profondeur, Messud est devenue facile à lire. Il y a des arguments en faveur de la difficulté.
En tout état de cause, je n’ai pas eu envie de m’arrêter là. C’est à cela qu’on reconnaît un auteur: au désir que l’on a de lire ses autres livres. À peine ai-je commencé The Hunters, un livre qui rassemble deux courts romans, que j’ai embarqué. C’était du récit, pas du dialogue. La première histoire racontait la vie entière d’une Ukrainienne qui avait survécu à la seconde guerre mondiale dans des conditions terribles puis émigré aux États-Unis; la deuxième, l’été londonien d’un jeune universitaire hanté par une étrange voisine qui lui inspire de la répulsion. J’ai trouvé fascinants les deux portraits de femmes. Achevant la première histoire, j’ai eu l’impression nette qu’il s’agissait d’une parodie d’Un coeur simple de Flaubert, un de mes récits préférés, et me suis soudain aperçu que le titre de l’histoire était A Simple Tale. J’en ai conclu que la deuxième histoire aussi devait être un clin d’oeil ou une citation, mais ma culture insuffisante ne me permet pas d’en donner la source.
Malheureusement, il ne me reste plus qu’un livre de Claire Messud à lire. Il y a des auteurs dont on souhaiterait une plus grande productivité, car on n’a pas envie de les quitter. Si vous la croisez avec ses deux petits enfants dans les rues de l’Upper East Side, où l’on m’a dit qu’elle habitait, dites-lui de ma part de retourner vite à sa table de travail. Merci.