Le cerne bistre, l’œil naturellement mi-clos, Dominique Strauss-Kahn balade sa carcasse, en ce jour de septembre, dans les rues de New York. Invité au sommet de Bill Clinton sur les grands défis mondiaux, le candidat à l’investiture socialiste profite d’un petit instant de répit pour se recueillir à Ground Zero et serrer la pogne du premier chaland venu. « In english », il martèle aux curieux qui l’entourent qu’il est le seul Français parmi les politiques invités. Soudain, ce qui devait arriver arriva : sortie de nulle part, une dame s’approche de lui, lui pose la main sur l’épaule et lâche une sentence qui sonne à son oreille comme un requiem : « Il est très bien, il est proaméricain et il est très libéral ! » Le socialiste, dont la gêne n’a d’égale que l’enthousiasme du journaliste de France 2 à saisir la scène, tourne les talons… Blême ! Pourtant, ce « très libéral », dans la bouche d’un Américain, signifie « très à gauche ». Quant au « proaméricain », il confortera chez certains l’idée que se cache en DSK un « atlantiste » convaincu. Le mal est fait…
La critique des Etats-Unis reste, pour les candidats à l’investiture, le meilleur moyen -et le plus facile-, de caresser le « camarade » dans le sens du bulletin de vote. Ainsi, au cours du dernier débat des primaires portant sur les questions internationales, tous trois ont entonné la même rengaine : en substance, « c’est la faute des Etats-Unis ! ». Seulement, à la lumière de leur vie, et de leur programme, il est aisé de relever quelques contradictions. « Je suis venu aux Etats-Unis à 15 ans », confiait DSK en marge de sa visite à New York. Le député du Val d’Oise, agrégé d’économie, y enseigna même la littérature à Stamford (Californie)… Un de ses proches collaborateurs assure qu’« il adore s’y rendre en vacances ». De même qu’il encourage David, le fils de sa compagne Anne Sinclair, actuellement en master of public affairs à Columbia, à poursuivre ses études outre-Atlantique. S’inspirant du système américain, l’ancien ministre des Finances de Jospin s’est dit récemment favorable à « une concurrence entre les universités ». Une proposition aussitôt dénoncée par le plus hostile des candidats socialistes à la politique économique et sociale américaine, Laurent Fabius. L’ancien Premier ministre connaît lui aussi très bien le pays, pour y avoir été à plusieurs reprises « visiting professor », notamment à l’université de Chicago.
Est-ce donc ces virées enseignantes qui ont forgé son supposé anti-américanisme ? « Je suis un anti-antiaméricain. Si l’arrogance et l’unilatéralisme m’insupportent, je ne les confonds pas avec le peuple américain », jure-t-il. Pour preuve : son fils, Victor, 24 ans, sort (comme David !) de l’université de Columbia. Et à l’entendre parler de Chicago, « la plus américaine des villes », de ses habitants, de son lac, de sa rivière, de son Institut d’art …nul doute qu’il dit vrai. En y apportant toutefois un bémol : « On meurt de froid en hiver (…) certains quartiers sont dévastés par la misère ».
Pour Ségolène Royal, il est difficile de trouver trace d’un déplacement aux Etats-Unis. Pour d’obscures raisons, une rencontre prévue avec Hillary Clinton l’année dernière a été annulée. La coqueluche des sondages semble toutefois attirer l’attention des médias américains : CNN lui a consacré un long portrait, ainsi que le New York Times. L’hebdomadaire Time lui a dédié la couverture de son édition européenne avec en titre : « celle qui secoue la France ». Visiblement, le magazine vote « Ségo » et ne se gêne pas pour critiquer ses rivaux « mâles et gris » au sein du PS.
En matière politique, les principes de Ségolène Royal notamment sur l’éducation, laissent apparaître des questions posées hier par Bill Clinton : sur l’apprentissage de la lecture, la responsabilité des professeurs, le niveau de savoir minimum, le droit des parents à choisir l’établissement de leurs enfants… Royal revendique volontiers une proximité idéologique avec les Clinton. N’avait-elle pas fait appel à l’ancien locataire de la Maison blanche pour régler le récent conflit Israélo-libanais ? Concernant les camps d’encadrement militaire chers à la socialiste, beaucoup y ont vu un ersatz des « boot-camps » développés aux Etats-Unis à la fin des années 80.
« Les relations franco-américaines ne consisteront pas à aller s’agenouiller devant Georges Bush. L’alliance est une chose, l’alignement en est une autre », dit-elle. Confidence d’un fidèle « royaliste » : « Ségolène Royal et Hillary Clinton se succédant à la tribune de l’ONU, ça aurait de la gueule ! »
L'ennemi américain
De l'art dans la vitrine
L’œil était dans la vitrine et regardait le pékin… La vitrine de Noël du navire amiral Louis Vuitton n’a pas grand-chose à voir avec Noël –ni avec une vitrine. Mais tout avec l’art contemporain. Ne cherchez pas, vous ne trouverez pas un sac, pas un vêtement. Pas un père Noël non plus… Louis Vuitton a choisi de confier ses vitrines –à New York mais aussi dans les 350 boutiques du monde entier- à Olafur Eliasson. Ce Danois, qui vit à Berlin, est à 39 ans, une des stars de l’art contemporain. Ses œuvres sont –déjà- au Guggenheim, au Museum of Contemporary art de Los Angeles, à la Tate de Londres, à Rotterdam, à Tokyo, à Houston…
Louis Vuitton n’en est pas à sa première collaboration avec un artiste (Takashi Murakami, Bob Wilson, Philippe Starck…). « Mais cette fois le pari est plus risqué, dit Yves Carcelle, le PDG de Vuitton. Nous n’aurons pas un seul produit dans aucune des vitrines de Noël dans le monde. Seulement les œuvres crées spécialement par Olafur ».
Eye see you, l’installation imaginée par Eliasson, est une grande lampe en forme d’œil, projetant une lumière jaune monochrome.
A New York pour le lancement de l’opération, Olafur Eliasson est arrivé en taxi devant le magasin. « J’en ai profité pour demander au chauffeur ce qu’il pensait des vitrine ». Réponse : « That’s New York, man… ». Effacé, en jeans et chemise blanche, l’artiste est au milieu des portes manteaux de Vuitton quand il nous explique son travail. « Les lampes sont faites à partir des ‘sun cookers’ qu’on utilise dans le tiers-monde pour faire la cuisine ». Créer une œuvre pour une vitrine lui a permis, explique-t-il, « d’explorer ce rapport entre l’intérieur et l’extérieur. Quand vous regardez dans une vitrine, il y a toujours votre image qui se reflète ; vous regardez à travers votre image ». De nuit notamment, en projetant sa lumière sur le trottoir, d’où le passant l’observe, l’œuvre « crée comme une scène sur le trottoir ».
Olafur Eliasson n’en est pas à sa première collaboration avec Vuitton. L’an dernier, il a créé l’ascenseur du nouveau magasin des Champs-Élysées, un « trou noir », « chambre d’entropie visuelle » dit-il, qui isole le passager du monde extérieur. Mais cette fois, les « yeux » d’Olafur seront vus par des millions de personnes qui passent sur un des trottoirs les plus fréquentés du monde. Et ils bénéficieront en outre à d’autres : les droits de l’artiste sont reversés à la fondation, 121Ethiopia, qu’il a créée avec son épouse Marianne Krogh Jensen, pour aider des orphelinats en Ethiopie, pays d’où vient leur fils adoptif, Zakaria, 3 ans, ainsi qu’une petite fille de 5 mois, dont la procédure d’adoption est en cours. « Lier cet endroit (le magasin Louis Vuitton), une des emplacements commerciaux les plus chers du monde, avec un autre endroit où le dénuement est total est crucial pour moi ».
Après Noël, les œuvres exposées partout dans le monde seront détruites, à l’exception d’une poignée vendue au bénéfice de la fondation. Restera une sculpture, « You see me », variation sur le même thème que les installations des vitrines, installée de manière permanente à l’intérieur du magasin de la Cinquième avenue. Et l’an prochain, on pourra voir au Moma beaucoup plus d’œuvres de l’artiste avec une exposition itinérante, organisée par le San Francisco Museum of Modern Art, qui présentera un tour d’horizon de l’œuvre de l’artiste, avec une annexe à PS.1, dans le Queens.
A voir : Louis Vuitton, 57th street and 5th avenue. PLAN
Les femmes d'Annie
Annie Leibovitz vit dans un monde de femmes. Il y a sa mère et ses trois filles Sarah, Susan et Samuelle. Mais il y a surtout celle qui a motivé cette exposition : la critique de photo Susan Sontag, l’amour de sa vie, morte du cancer en 2004. « C’est comme si elle était debout derrière moi, à me dire ce qu’elle aimerait voir », écrit la photographe.
Annie Leibovitz aime les femmes et ça se voit. Pour elle, Uma Thurman, pieds nus dans une robe noire, lance un regard de défi. Cindy Crawford incarne Eve, un serpent autour de ses épaules. Sur fond noir ou sous les feux de la rampe, les muses de Leibovitz transmettent toujours une sensualité inouïe. Rappelez-vous Demi Moore nue, enceinte jusqu’au cou, en couverture de Vanity Fair. Là aussi, c’était Annie Leibovitz.
Avec les hommes, il n’y a pas cette étincelle. Les généraux sont engoncés dans leurs costumes parés de médailles. Al Pacino et Robert de Niro en noir et blanc, le regard stoïque. Brad Pitt, pitoyable, effondré sur le lit d’un motel. Johny Depp, encore habillé, est affalé sur le corps dénudé, absolument sublime de Kate Moss.
La place que l’exposition actuelle accorde à la vie privée de la photographe est surprenante pour le visiteur. La plus grande salle est occupée par une demi douzaine de paysages en noir et blanc gigantesques. Des souvenirs des voyages effectués avec Susan. Les clichés familiaux se glissent ici et là, des vacances à la plage avec ses parents, les dernières heures de vie de son père, mort chez lui à 91 ans…
Annie Leibovitz a voulu ce dialogue. Deux grands panneaux de liège se font face. L’un est consacré à sa vie privée, l’autre à ses parutions dans les magazines. « Il n’y a qu’une vie, explique-t-elle, et mes photos personnelles et les travaux qu’on m’a commandés en font tous partie ».
Seul regret, l’artiste n’explique pas ses choix. Les rares anecdotes qui accompagnent les photos les plus importantes sont un vrai bonheur. Que ce soit pour découvrir ces références de la photo people ou pour le plaisir de les revoir, le déplacement jusqu’à l’exposition vaut décidément la peine.
Annie Leibovitz: A Photographer’s Life, 1990–2005
Du 20 octobre 2006 au 21 janvier 2007, avant une tournée internationale, notamment à la Maison Européenne de la Photographie à Paris.
Brooklyn Museum
200 Eastern Parkway, Brooklyn, New York 11238-6052
Tél.: (718) 638-5000
Du mercredi au vendredi : 10h-17h ; samedi et dimanche 11h-18h.
PLAN
Métro : lignes 2 et 3, arrêt « Eastern Parkway/Brooklyn Museum ».
Entrée : 8$, tarif réduit 4$, gratuit en dessous de 12 ans.
Politiciens volages, vins français et cigarettes qui font maigrir
Le New York Times estime « aussi absurde que cynique » que l’assemblée nationale française ait voté l’interdiction de nier le génocide arménien. Les Turcs doivent confronter leur passé, « mais cela n’excuse pas la façon dont les politiciens français essaient d’exploiter les sentiments anti-turcs pour flatter le large électorat arménien. »
Les périodes de l’histoire de France qui suscitent le plus d’intérêt sont la révolution et « les années sombres » de 1940-1944, observe le Christian Science Monitor dans une critique de « Bad Faith , une biographie par Carmen Callil de Louis Darquier de Pellepoix, commissaire aux questions juives sous le régime de Vichy. « Les lecteurs de l’histoire de la seconde guerre mondiale sont familiers de la machine nazie inhumaine à la froide efficacité » écrit Atlantic Monthly. « Mais dans Bad Faith on découvre des fonctionnaires ineptes et paresseux, complices et traîtres, et qui parfois n’arrivent pas à plaire à leurs supérieurs nazis à cause de leur médiocre travail pour débarrasser la France de sa population juive. » La critique du New York Times est élogieuse, à un hic près. « La seule note incongrue du livre tient à trois phrases rajoutées en dernière minute d’analogie entre les événements décrits et le traitement des Palestiniens par Israël. Ce passage est devenu controversé parce qu’il a conduit à l’annulation de la réception prévue pour Madame Callil lundi à l’ambassade de France. » Les remarques détonnent surtout selon la critique du New York Times, « à cause de la probité générale de Madame Callil » à travers l’ensemble du livre. « Le reste du temps, elle laisse ses lecteurs penser par eux-mêmes. »
« Est-ce que le président Jacques Chirac a un enfant d’une maîtresse japonaise ? » démarre un article de la correspondante du New York Times qui raconte le succès en France du livre Sexus Politicus, 150.000 exemplaires imprimés. « La politique et le sexe se mélangent depuis des siècles en France, mais la vie privée des hommes politiques historiquement était gardée secrète. » explique-telle. Autre bizarrerie, « contrairement aux Etats-Unis où de pareilles révélations seraient l’objet de grandes enquêtes des medias, les journalistes français traitement rarement le sujet. La réaction des Français est de fait très différente de celle des Etats-Unis, où un scandale sexuel peut menacer de faire s’effondrer un gouvernement. » relève la correspondante, qui note encore que « le fait que Ségolène Royal, la candidate en tête pour gagner la nomination socialiste pour la présidentielle de l’an prochain, ne soit pas mariée au père de leurs quatre enfants n’est pas un sujet de la campagne.” (Je passe sur un malheureux cafouillage historique entre Edgar Faure et Félix Faure, foi de Faure.)
Après le succès du Yellow Tail, un vin australien, un article de Slate fait le tour des dernières piquettes françaises vendues aux aux Etats-Unis. Des vins qui abandonnent la définition géographique des vins Français, car « cette approche qui fonctionne bien pour le haut de gamme est un albatros pour le secteur bon marché. » Les nouveaux ont des étiquettes tape à l’œil, comme « The petit bistrot » qui a même quelques lignes de baratin au dos de l’étiquette. Le journaliste de Slate nous en lit un extrait : l’histoire d’un type au restau « avec la fille de ses rêves dont les yeux dévorent en rêvant le menu du petit bistro, « avec des côtes d’agneau et de la polenta, ou des pâtes à la sauce tomate » se regardant dans les yeux, ils savourèrent… » blabla… Le journaliste de Slate rappelle que la polenta et les pâtes ne sont pas de la cuisine de bistrot, il voit là un « subtile effort pour effacer les origines françaises du vin » en cultivant des tonalités italiennes. Ce qui lui semble justifié d’un point de vue marketing « puisque la France n’est pas très populaire en ce moment. »
L’ouverture de L’Atelier de Robuchon à New York est pour le New York Magazine l’occasion de faire le point sur la disparition de la grande cuisine française de New York. Il y a des rumeurs de fermeture du restau de Ducasse. Les grands restaus français ont fermé. Ne restent que des remakes de brasserie. Les derniers établissements chics français « survivent grâce à la bonne volonté de bons vivants de l’Upper East Side ou à des couples de petits vieux de Cleveland ou de Palm Beach »
Johanna Dray «n’est certainement pas grosse sur des standards américains, mais peut-être un peu forte pour les Français toujours conscients de leur poids. » Et elle ne peut pas faire d’exceptionnelle carrière de mannequin. Le San Francisco Chronicle l’a interrogée pour un article montrant que si Madrid a interdit aux anorexiques de défiler, la maigreur est toujours en vogue chez les top models. Il y a même débat au ministère de la santé en France. Pourtant les chiffres de l’article ne soutiennent pas l’idée des dangers de l’anorexie en France : 12,4 % des Français sont obèses selon la Sofres, soit un saut de 10 % depuis 2003. « Et les Français ont perdu une arme contre l’obésité quand le premier ministre a annoncé une interdiction de fumer dans les écoles, les bureaux et les bâtiments publics. »
Guillemette Faure
Tarallucci e Vino
Difficile de dire si Tarallucci est un bar à vin qui sert du café ou un coffee shop qui sert du vin ; en tous cas, le restaurant fait les deux, et de façon superbe.
Tarallucci est idéal pour un cappuccino avec une brioche saupoudrée de sucre glace, ou une salade à l’heure du déjeuner. Et le soir venu, on peut boire un verre de vin au bar. L’ambiance est totalement casual. Le concept n’est pas compliqué. La déco n’est pas enchevêtrée, ciment, bois. Les plats sont simples, salade de calamars, pasta, chicken soup (scrippelle ‘mbusse). Tout est frais et délicieux. Et les pâtisseries sont dignes de ce nom. Pour ceux qui sont prêts à faire des infidélités à City Bakery, Tarallucci est l’alternative italiana.
15 E. 18th St., entre 5th Ave & Broadway PLAN
212-228-5400
Prix: pas cher