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Yseulys Costes, CEO de Numberly : « Il n’y a plus autant d’innovations dans la Silicon Valley, les tensions entre Amazon et Google pèsent sur l’écosystème »

Yseulys Costes, CEO de Numberly, qui s’est installée à New York à l’été dernier, est une féministe engagée qui porte les valeurs de la parité et de la diversité avec passion depuis ses débuts d’entrepreneure. Elle a eu lieu de le démontrer à l’occasion d’un panel organisé par la French Tech New York sur le déficit de financement des startups de femmes. « Au début de ma carrière, j’étais naïve. Je pensais que les générations précédentes avaient fait le gros du travail, et que ces sujets seraient plus faciles dans la tech. Je me suis rendue compte de la réalité depuis », assène-t-elle devant un parterre très féminin.

Site pionnier dans l’utilisation des bases de données

De son propre aveu, Yseulys Costes n’aurait jamais pensé devenir une entrepreneure French Tech. Après avoir commencé sa carrière dans la recherche, elle lance un peu par hasard le site 1000mercis avec son associé Thibaut Munier. Nous sommes en 2000, en plein âge d’or d’Internet et juste avant l’éclatement de la bulle. Le site permet aux internautes de partager des listes de cadeaux avec leurs proches, et à 1000mercis de capitaliser sur ces précieuses bases de données. Avant tout le monde, Yseulys Costes et Thibaut Munier ont pressenti l’importance des données et du marketing digital. « Je n’avais pas de désir entrepreneurial, mais j’étais passionnée par la technique et la matière molle’ de ce nouveau métier », explique-t-elle.

S’ensuit une croissance impressionnante de 1000mercis, qui entre en bourse en 2006 et devient une des rares success stories tech dirigées par une femme en France. Petit à petit, le domaine se structure et la société s’oriente vers le retail media et la data collaboration. Elle aide les annonceurs à optimiser leurs bases de données en anticipant et programmant leurs achats publicitaires, leur permet de mieux collecter et activer ces précieuses données. Une matière en mouvement permanent, dont elle parle toujours avec ferveur.

Pénurie d’innovation data dans la Silicon Valley

En 2013, le développement de 1000mercis incite sa fondatrice à déménager aux États-Unis, et Yseulys Costes décide de s’installer à Palo Alto, en Californie, l’eldorado mondial des startups techs. Un environnement porteur, qu’elle quitte juste avant le Covid. En 2019, 1000mercis se rebaptise Numberly pour mieux refléter son activité. Et celle qui aime « créer du déséquilibre » dans sa vie, décide de repartir aux États-Unis en 2024, mais ce n’est pas l’Ouest qu’elle choisit. « Il n’y a plus autant d’innovations dans la Silicon Valley, les tensions entre Amazon et Google sur les publicités pèsent sur l’écosystème », juge-t-elle.

Elle opte alors pour New York, un choix de raison. « Je venais souvent à New York avec un red-eye (vol de nuit, ndlr) de Californie et j’arrivais fatiguée, l’intensité de la ville me pesait. Mais depuis que je me suis installée ici, je m’y plais énormément. C’est une ville fabuleuse pour les workaholics », glisse-t-elle en souriant. Ici, elle apprécie les relations d’affaires très directes, simples et la possibilité de grandir (scale en anglais) plus rapidement, dans un marché immense : « Cette effervescence est porteuse, New York demeure la capitale du monde. » Elle aime néanmoins aussi la France et trouve « que les deux pays se complètent bien, ils ont chacun leurs avantages ».

Aujourd’hui, Numberly vient de fêter ses 25 ans en sortant de la cote. Une volonté de « s’enlever des contraintes et des coûts, et d’investir dans la transmission ». Le groupe, qui emploie 600 personnes dont 30 en Amérique du Nord (New York, Californie et Montréal) et y génère un quart de ses revenus, compte élargir son portefeuille de clients américains, qui compte déjà Procter & Gamble, Colgate ou Nestlé. Surtout, la dirigeante a à cœur d’avoir « un impact positif ». Cela passe par la Numberly Academy, qui offre des formations gratuites en marketing digital, ou par l’apport d’affaires à des entreprises dirigées par des femmes. Mais aussi en interne, en laissant de la place à ses équipes pour grandir et préparer l’avenir.

Le duo Cosmic Gardens au Loft Story le 22 mai à Brooklyn

Deuxième date pour les Cosmic Gardens. Après leur concert du 19 avril dernier au Loft Story, Clément Mercet et Ugo Charron, les deux musiciens fondateurs du groupe, reviendront présenter leur dernier « voyage exploratoire » multisensoriel le jeudi 22 mai, dans la même salle de Brooklyn – les lecteurs de French Morning bénéficie d’une réduction à l’achat des billets.

Le duo, dont on vous parle depuis leur formation en 2019, a conçu un spectacle-concert unique en associant à leur composition musicale, non seulement des images immersives mais aussi des odeurs. Du sensoriel au spirituel, de l’organique à l’artificiel. Une expérience audiovisuelle hypnotique qui revisite l’Indietronica et éveille les sens, y compris celui du goût puisque des cocktails/mocktails signature sont proposés tout au long du concert.

On retrouvera au synthé Ugo Charron (parfumeur de profession) et Clément Mercet au synthé, à la guitare et à la batterie (hors scène, vous l’avez sûrement croisé à des évènements French Morning puisqu’il est chargé du Business development du groupe).

Ugo Charron (synthé et guitare) et Clément Mercet (synthé, guitare, batterie), le duo de Cosmic Gardens, au Center For The Enlightenment Arts, le 11 octobre 2024. © French Morning/E. Guedel

La soirée commencera à 7pm avec, en première partie, deux DJ français installés à New York : Balafre (mélange house, deep house, tech house et disco) remixe des artistes comme Dido et sample des légendes comme les Rolling Stones; et Moncef, dont l’exploration musicale est une fusion d’influences mondiales, avec un accent oriental, référence à ses racines marocaines. Les Cosmic Gardens joueront à partir de 8:30pm.

Les lecteurs de French Morning bénéficient d’une réduction avec le code COSMICFRENCHMORNING (billets ici).

Brèves new-yorkaises : homards et machine à coudre, les objets oubliés dans les Uber

🔴 C’était la tragédie dont tout le monde a parlé cette semaine : un hélicoptère s’est abîmé dans l’Hudson, tuant une famille de cinq – un dirigeant espagnol du groupe allemand Siemens et sa famille – et le pilote. Les causes restent incertaines, l’appareil ne disposant pas de « boîtes noires » permettant d’enregistrer les informations du vol. 

🚗 Uber a exposé dans Manhattan – une première – les objets les plus insolites laissés dans ses véhicules. Des homards vivants, par exemple. Un sac rempli de 175 hamburgers, une machine à coudre, une tortue vivante ou encore des papiers de divorce. La liste complète ici.  

⚽️ La FIFA a annoncé un don d’un million de dollars à New York et New Jersey City, les deux villes accueillant des matchs de la FIFA Club World Cup 2025. Ces fonds sont destinés à soutenir des programmes sportifs communautaires et à améliorer les infrastructures pour le football.

🚽 Le conseil municipal de New York a adopté un projet de loi visant à ajouter plus d’un millier de nouvelles toilettes publiques au cours des dix prochaines années, soit 2 120 toilettes contre environ 1 000 actuellement.

💰 Avec 384 500 millionnaires et 66 milliardaires, New York a été désignée comme la ville la plus riche au monde. 

🚮 Un peu plus de 680 000 tonnes de compost ont été ramassées en une semaine et 2000 amendes distribuées pour non-respect de la loi obligeant les habitants au compostage. 

Ⓜ️ Finalement, la tarification de la congestion en dessous le la 60ᵉ pourrait se poursuivre jusqu’à l’automne en raison d’un accord entre la MTA et l’administration Trump.

🚗 Brooklyn est le quartier qui propose les tarifs d’assurance automobile les plus élevés de tout New York, avec un coût annuel moyen de 5 748 $. 

🚔 La police de New York a créé une nouvelle entité dévolue aux « problèmes non urgents » tels que le stationnement illégal, l’usage de drogues en extérieur, la mendicité agressive et les plaintes pour nuisances sonores. 

❌ Un audit a révélé que le département de l’éducation de New York n’a pas inspecté 82% des écoles contenant de l’amiante. 

🚲 Un programme baptisé « Charge Safe, Ride Safe » permet aux propriétaires et locataires d’installer des armoires de chargement de batteries pour vélos électriques sur les trottoirs, afin de réduire les incendies causés par les batteries lithium-ion.

Ⓜ️ La MTA a utilisé l’intelligence artificielle de Google pour détecter les défauts des voies de métro, comparant cette technologie aux méthodes traditionnelles d’inspection par les travailleurs expérimentés. Verdict : l’IA de Google s’est avérée plus précise que les inspecteurs humains.

🐿 Peut-être vous souvenez-vous de la mort dramatique de « Peanut the Squirrel », devenu une célébrité sur Instagram et euthanasié après avoir été saisi par le département de la conservation de New York. Une proposition de loi à son nom – la Peanut’s Law – exige désormais un délai de 72h avant l’euthanasie et offre aux propriétaires la possibilité d’une audience administrative.  

🎶 La mezzo-soprano géorgienne Anita Rachvelishvili poursuit le Metropolitan Opera et son syndicat, l’American Guild of Musical Artists, après avoir perdu des contrats en raison de problèmes vocaux survenus pendant et après sa grossesse. Elle réclame plus de 400 000 dollars. 

👩‍⚖️ Un jury de New York a accordé 1,68 milliard de dollars à 40 femmes qui ont accusé l’écrivain et réalisateur James Toback d’abus sexuels sur une période de 35 ans. Le verdict comprend des dommages-intérêts compensatoires de 280 millions de dollars et 1,4 milliard de dollars de dommages-intérêts punitifs.

🤖 Un plaignant de 74 ans a tenté de se faire défendre par un avatar généré par une IA lors d’une audience concernant un litige avec son ancien employeur dans l’État de New York. La juge n’a pas du tout apprécié

La famille Blachez chouchoute les seniors en musique

Dans la famille Blachez, je demande Pascale, la mère, passionnée de piano. Les enfants : Marcel à la trompette, Ivanhoé au saxophone, Horace à la guitare et aux percussions et Isis au violon et au micro. Et puis le papa, Ludovic, qui s’est mis à la contrebasse pour rejoindre la joyeuse bande…

Installé à New York, ce petit orchestre étalé sur deux générations est à l’origine d’un beau projet social et musical : la Happiness Factory. Depuis quelques années, ils invitent tous les jeunes musiciens, quel que soit leur niveau, à les rejoindre pour participer à des concerts informels dans des maisons de retraite et des centres pour seniors de la Grosse Pomme.

Avis aux mélomanes en herbe, les inscriptions pour les prochains événements (dimanche 20, samedi 26, dimanche 27 avril et dimanche 4 mai) sont ouvertes. « Elton John a dit : ‘La musique a un pouvoir de guérison, la capacité de nous faire sortir de nous-mêmes l’espace d’un instant’. Je trouve que cela résume bien ce que nous voulons faire », explique Pascale Blachez.

La musique, une affaire de famille

Tout a commencé par une « frustration ». Enfant, la Française voulait être pianiste, mais ses parents ne l’ont pas laissée – « et ils ont eu raison ! ». Bonne en mathématiques, elle devient chimiste et fait carrière dans la pharma. Mais après la naissance de son troisième enfant, elle s’arrête de travailler et décide de renouer avec ses premières amours. Formée à la musique classique et sa rigueur, elle choisit de se plonger dans l’univers du jazz et de l’improvisation. « J’avais toujours été titillée par le spectacle de ces jazzmen jouant sans partition. Je me demandais : quel est leur langage ? Pourquoi ne connais-je pas cette musique ? » Quand elle démarre l’ARPEJ, une école parisienne spécialisée dans ce style musical, elle découvre « un autre monde, libéré de toutes les contraintes et de la technique ».

Lors d’une première expatriation à New York en 2010, elle rejoint un groupe de jazz qui se réunit chaque mercredi chez elle. Pour le reste de la famille, c’est la contagion. Chacun se met progressivement à un instrument. « Mes enfants avaient entre 4 et 10 ans. Nous jouions de petits morceaux pour les copains, la famille…». Mais la Française ambitieuse veut aller plus loin. Elle songe à son grand-père, une inspiration forte dans sa vie qui l’a poussée à faire du piano. « Quand je lui rendais visite en EPHAD, je me disais que cela serait merveilleux de jouer en maison de retraite ». 

La famille Blachez apporte musique et joie de vivre dans les maisons de retraite. © Happiness Factory 

Lorsque les Blachez emménagent, par le plus grand hasard, devant un tel établissement à leur retour à Paris en 2016, elle y voit « un signe du destin ». Deux ans plus tard, le mercredi 17 décembre, ils y font leur premier concert. « On nous a demandé de jouer deux heures, se souvient-elle. Les résidents ont été extrêmement touchés de voir des enfants se produire pour eux, de surcroît en famille. Pour eux, c’était une manière de revivre les liens avec leur propre famille … ». L’initiative fait boule-de-neige. Les Blachez sont rejoints par une ribambelle de jeunes musiciens amateurs. Leur collectif, baptisé « Pour nos aînés », se produit dans une quarantaine de lieux à Paris et se constitue, via le bouche-à-oreille, un réseau de deux cents mélomanes.

La Happiness Factory de New York

De retour à New York en 2022, Pascale Blachez décide de poursuivre l’aventure sous le nom de Happiness Factory. Avec la participation initiale des élèves du Lycée français de New York, le projet prend rapidement de l’ampleur, avec trente concerts en 2023 et cent en 2024 dans les senior centers et autres structures pour personnes âgées. En mars 2024, elle en a fait une association à but non-lucratif pour accélérer son développement et lever des fonds. « Aux États-Unis, quand on contacte des lieux et qu’on dit ‘on est une famille, un groupe d’enfants, on veut venir jouer’, ça ne marche pas. Avoir une non-profit donne de la crédibilité, dit-elle. Mon rêve, c’est qu’il y ait des Happiness Factories dans toutes les villes, voire les quartiers, afin de mettre en relation écoles, familles et maisons de retraite locales. C’est tout à fait possible car il y a des enfants qui font de la musique partout, et des structures pour seniors aussi ». 

Et ce n’est pas le besoin qui manque. En France comme aux États-Unis, l’isolement des personnes âgées est une réalité. « Nous vivons dans une société où l’on ne veut pas les voir car la vieillesse est considérée comme dégradante. En réalité, ces personnes ont beaucoup de choses à partager avec les jeunes et ne demandent que ça ». Pendant les concerts, les seniors américains ne se privent pas. « Quelles que soient leurs aptitudes physiques, ils se mettent à danser, bouger, applaudir… Parfois, ils vont au micro pour chanter !, raconte Pascale Blachez. Certains se mettent à pleurer. Ils disent aux enfants : ‘c’était tellement beau, tu ne peux pas savoir le bien que ça m’a fait’ ».

Coup d’envoi «En fanfare» du Filmfest DC à l’Ambassade de France le 24 avril

Le Filmfest DC, le plus ancien festival de cinéma de Washington, revient pour sa 39ᵉ édition du jeudi 24 avril au dimanche 4 mai. Pendant 11 jours, les cinéphiles auront l’occasion de découvrir 63 films venus de 36 pays, explorant une grande diversité de genres et de thématiques. 

Cette année, la France occupe une place de choix avec plusieurs œuvres saluées sur la scène internationale. Le coup d’envoi du festival sera donné à l’Ambassade de France, le jeudi 24 avril, avec la projection de « The Marching Band » (« En fanfare »), réalisé par Emmanuel Courcol. Ce film chaleureux et plein d’humanité, couronné du Prix du Public au Festival de San Sebastián, inaugure l’événement en beauté. La soirée d’ouverture se prolongera avec une discussion animée par le critique de cinéma Arch Campbell, suivie d’une réception. 

Parmi les autres films français à ne pas manquer : 

  • «Souleymane’s Story» (L’Histoire de Souleymane), un drame poignant primé au Festival de Cannes. 
  • «Visiting Hours» (La Prisonnière de Bordeaux), également distingué sur la Croisette. 
  • «Monsieur Aznavour», un biopic consacré à l’icône de la chanson française, avec Tahar Rahim dans le rôle-titre. 
  • «Last Breath» (Le Dernier Souffle), le nouveau film de Costa-Gavras, réunissant Kad Merad et Charlotte Rampling. 

À l’exception de certaines séances, la grande majorité des projections auront lieu au Regal Gallery Place, 701 7th St NW, Washington, DC 20001. 

 Pour découvrir la programmation et réserver vos billets, rendez-vous sur : www.filmfestdc.org 

L’artiste et photographe Ludovic Baron expose la Parisienne à New York

Remarqué pour ses tableaux fantastiques de la Tour Eiffel, du Moulin Rouge ou de l’Opéra Garnier, l’artiste et photographe Ludovic Baron s’expose du vendredi 11 avril au jeudi 8 mai à la Gallery Antoine Chevalier dans Greenwich Village.

Intitulée « La Parisienne à New York », l’exposition met en scène l’une de ses figures phares, la Parisienne, face à la Statue de la Liberté et l’Empire State Building, dans des compositions poétiques et, dit-il, « appelant à la rêverie ».

L’exposition « La Parisienne à New York » à la galerie Antoine Chevalier, du 11 avril au 8 mai 2025. © Ludovic Baron

« Cette exposition est née suite à une précédente exposition à Times Square en septembre 2022, où j’avais été choisi pour représenter la France sur les écrans géants du quartier, explique Ludovic Baron. C’est là que j’ai rencontré Antoine Chevalier et qu’est née l’idée de transposer la Parisienne à New York à travers deux tableaux inédits qui mettent en avant cette femme puissante, indépendante, charismatique, plongée dans les années 30 et dans l’histoire de monuments emblématiques de la ville. »

Le photographe Ludovic Baron

L’artiste, qui avait débuté sa carrière dans le cinéma avant de se consacrer à la photographie il y a près de 15 ans, présentera également pour la première fois sa collection « On My Way », soit 22 photographies reprenant ses pérégrinations dans Paris, et d’autres tableaux iconiques de son travail, ainsi de « La femme en bleu face à son courage » ou d’autres sublimant la Tour Eiffel ou l’Opéra Garnier.

L’événement sera suivi d’une autre exposition au salon Future Fair à Chelsea, du jeudi 8 au dimanche 11 mai.

Échappée belle à Mendocino, perle côtière de Californie du Nord

Son nom résonne comme une promesse d’évasion. À trois heures au nord de San Francisco, Mendocino, enclave côtière aux airs de Nouvelle-Angleterre, embrasse la nature brute de la Californie du Nord. Entre forêts de séquoias millénaires, criques secrètes et horizon infini, ce village bohème, suspendu aux falaises, séduit par sa simplicité et son isolement.

La vie est douce à Mendocino. Ici, le temps s’écoule autrement. À la fois proche et si lointaine du monde urbain, on vient y prendre un grand bol d’air iodé, arpenter les sentiers escarpés, savourer les plaisirs simples d’une Californie rurale et confidentielle. De balade en contemplation, quoi de plus vivifiant que de s’abandonner à la caresse du vent, au chant des vagues et, luxe ultime, à l’art de ne rien faire ?

Back-to-the land

En route vers le Harbor House Inn © Joe Weaver La douceur de vivre de cet eldorado séduit une nouvelle génération d’entrepreneurs, à l’image du duo créatif et gourmand de Fog Eater © Lucille Lawrence

Difficile d’imaginer que cette ancienne enclave hippie ait d’abord été un village prospère, fondé au XIXe siècle par des bûcherons du Maine et du Massachusetts, porté par l’exploitation forestière durant le boom immobilier de la ruée vers l’or. Mendocino atteignit jusqu’à 30.000 habitants avant de sombrer dans l’oubli. Dans les années 1950 et 1960, Mendocino renaît discrètement avec l’arrivée d’une vague de néo-ruraux back-to-landers et l’émergence d’une scène artistique foisonnante, marquée par l’ouverture du Mendocino Arts Center en 1959. Cette identité bohème forge l’âme du village et continue d’attirer artistes, curieux et passionnés, dans cette région où, entre deux vernissages et une partie de pêche, on décroche également le titre de plus grand producteur de cannabis de Californie !

Nouvelle vague

Depuis la rue piétonne de Mendocino, un sentier traverse prairies et falaises jusqu’à Big River Beach © Brendan McGuigan

Il suffit de flâner dans les ruelles de Mendocino, où s’alignent des bâtisses de bois historiques patinées par le temps, puis de se perdre dans l’arrière-pays pour s’imprégner de cette atmosphère particulière. Imaginez-vous feuilleter un livre chez Gallery Bookshop, face à l’une des plus belles vues sur l’océan qu’une librairie puisse offrir. Et, par un heureux hasard, lever les yeux pour apercevoir au loin le souffle d’une baleine en migration ! Voilà, en quelques mots, un aperçu de la magie de Mendocino. Le village regorge de petites échoppes pittoresques restées dans leur jus, d’antiquaires, de galeries d’art, et même d’un concept-store : Valerie. Un espace imaginé par un couple de créateurs et DJ new-yorkais, où l’épouse, native de la région, met en avant les designers locaux et propose une sélection vintage pointue.

Le goût du bonheur

La qualité de vie de cet eldorado attire depuis quelques années une nouvelle génération d’entrepreneurs. Dans cette région de Californie, où les farmers’ markets sont légion, les petits producteurs de la région, comme Fortunate Farm à Caspar et Nye Ranch, ainsi que des fromageries et de brasseries artisanales, abondent. On y trouve une grande variété de produits issus de l’agriculture biologique et locale : des pommes juteuses, du poisson frais et un excellent vin provenant des vignobles ensoleillés de l’Anderson Valley toute proche. De quoi festoyer comme un roi dans l’un des adorables cottages rustiques d’Albion, loué pour le week-end. 

Bien que des adresses incontournables comme Noyo Harbor et Princess Seafood dans la charmante ville côtière voisine de Fort Bragg célèbrent l’esprit sea-to-table à la perfection, le paysage gastronomique se réinvente peu à peu en élargissant ses horizons. À Mendocino, au Fog Eater Café, un petit restaurant végétarien à la décoration vive et joyeuse, les produits du terroir sont mis à l’honneur dans une cuisine californienne pleine de caractère, twistée de saveurs du Sud, et accompagnée d’une merveilleuse sélection de vins naturels.

Alexa Newman et Rodney Workman, créateurs du Maritime Café à Elk, offrent une merveilleuse partition terre-mer © Lucille Lawrence

À quelques kilomètres de là, dans le village d’Elk, situé à une trentaine de minutes au sud de Mendocino, le couple Rodney Workman et Alexa Newman, aux commandes du Maritime Café, orchestre une parfaite harmonie entre terre et mer dans une atmosphère campagnarde et décontractée sans prétention. Une simplicité exquise, qui valorise les produits directement issus des fermes et des rives environnantes. Rien d’étonnant, quand on sait qu’ils ont fait leurs armes dans des établissements prestigieux de la baie, tels que Chez Panisse, Camino Alto et State Bird Provisions, avant de poser leurs valises dans la région.

En cuisine, Matthew Kammerer, à la tête du restaurant doublement étoilé Michelin, sublime les ressources locales au travers d’une cuisine d’auteur en parfaite harmonie avec son environnement. © Matt Morris

Si les bonnes tables et les beds and breakfasts offrant une vue imprenable sur l’immensité de l’océan ne manquent pas dans ce coin de paradis, l’une d’elles mérite à elle seule le voyage. Perché sur les hauteurs d’Elk, le Harbor House Inn surplombe la côte sauvage et cultive l’exception. Logée dans une magnifique demeure en séquoia datant de 1916, cette auberge du bout du monde, avec ses 20 couverts, ses 10 chambres et son accès direct à une crique privée, a su faire de son isolement un atout inestimable. En cuisine, Matthew Kammerer, à la tête du restaurant doublement étoilé Michelin, sublime les ressources locales : sel extrait de l’eau de mer, algues infusées dans le levain, herbes et fleurs du jardin, ainsi que des légumes provenant de leur propre ferme. Une gastronomie en parfaite osmose avec son environnement, couronnée par une étoile verte pour son engagement durable et une clé Michelin pour son hôtellerie. Un rêve d’évasion.

Nichée dans une demeure en séquoia de 1916, cette auberge intime de 20 couverts et 10 chambres, avec accès à une crique privée, est un refuge prisé des esthètes © Benjamin Heath

Into the wild

Côté nature, la région offre un terrain de jeu infini entre plages désertes et parcs d’État. Depuis la rue piétonne de Mendocino, on accède au sentier côtier du Mendocino Headlands State Park, qui serpente à travers prairies et falaises. Un escalier mène ensuite à Big River Beach, où l’on peut fouler le sable et admirer l’océan de plus près, assis sur un morceau de bois flotté. Un peu plus au nord, le Russian Gulch State Park, reconnaissable par son pont, vaut le détour pour la beauté de ses canyons verdoyants, ses falaises et ses plages vierges. Son célèbre Devil’s Punchbowl, une grotte marine effondrée, ainsi que sa cascade de 11 mètres, cachée au cœur d’une forêt de séquoias, en font un lieu unique.

Dans le comté de Mendocino, la nature sauvage se dévoile sans compromis, comme à Jug Handle et à Russian Gulch.

Parmi nos autres découvertes insolites : la réserve naturelle de Jug Handle. À mi-chemin entre Fort Bragg et Mendocino, elle propose une fascinante excursion géologique de 4 km, partant de la côte pour s’enfoncer dans l’intérieur des terres à travers cinq terrasses marines surélevées. Un véritable voyage dans le temps, des landes jusqu’à la flore miniature de la Pygmy Forest, où chaque pas gravissant la falaise nous fait remonter 500.000 ans d’histoire !

Depuis la charmante ville côtière de Fort Bragg, célèbre pour sa plage de verre (Glass Beach), aujourd’hui privée de ses galets colorés, subtilisés en masse par des touristes peu scrupuleux, on embarque à bord du Skunk Train pour une escapade au cœur des forêts de séquoias, à travers une boucle de 7 miles, sur les traces du train historique construit en 1885 pour le transport du bois.

Une fois encore, la nature sauvage et préservée s’offre sans compromis. Qu’on se le dise, Mendocino tient toujours ses promesses d’évasion ! À tout bientôt, belle et douce Mendocino.

Et la lumière fût ! La réserve naturelle de Jug Handle offre une excursion géologique de 4 km à travers cinq terrasses marines, menant des landes à la flore miniature de la Pygmy Forest, retraçant 500 000 ans d’histoire.

Le Vin Coeur, nouveau bar à vins 100% français à UWS

A priori, l’exercice avait tout d’un tour d’équilibriste. Ouvrir un bar à vins tradi’ en plein Manhattan, où le cadre urbain ne jure plus que par les breuvages 0% sulfites, semblait un pari audacieux… Que Jérôme Mathieu et Massire Sissoko ont relevé haut la quille ! Deux semaines à peine après l’ouverture, leur Vin Cœur tourne à plein régime, récompense du travail bien fait.

Tous les jours, derrière le zinc, les deux compères s’amusent à dégoupiller de très belles références françaises (uniquement) toutes régions confondues : Vacqueyras à 64$, Domaine Trimbach à 72$, Chardonnay de Antonin Rodet à 60$, Viognier Les Cres à 68$… “Moi j’ai un faible pour le Pic Saint-Loup, confie Massire Sissoko, co-gérant, passé avant chez Vin sur Vingt. Les producteurs s’intéressent de nouveau au Languedoc, il y a un retour en grâce de cette région. On y fait maintenant du très bon vin, loin des clichés des vins de table bon marché”.

Du bon à prix doux qui régale les habitants du coin. « On adore la clientèle de UWS, ce sont des connaisseurs, des amateurs de vin, des personnes à la retraite et des familles. Quelques Français, bien sûr, mais pas que. Et beaucoup de gens qui reviennent. C’est ce qu’on voulait : un lieu d’habitués où l’on se sente bien » affirme Jérôme Mathieu.

Du 100% français dans la sélection des bouteilles proposées à la dégustation © Géraldine Bordère

Comme bon nombre de gérants œnophiles, Jérôme Mathieu et Massire Sissoko ont eu une autre vie avant d’ouvrir leur établissement. «⁠⁠⁠ On est arrivé à New York ensemble il y a 15 ans. Moi je travaillais dans la production, lui a toujours eu un pied dans la restauration. Et dans un coin de nos têtes, on avait cette idée d’ouvrir un truc tous les deux. On a vraiment commencé à concrétiser cette idée il y a deux ans. »

Entre l’idée et l’ouverture : beaucoup de travail et d’argent investi. «⁠⁠⁠ Nos économies. On n’a pas fait d’emprunt. Quant aux travaux, pas d’architecte d’intérieur, pas de décorateur, on a tout imaginé et réalisé avec l’aide de deux amis français, Sébastien Pradal et Alican Polat » s’enorgueillit le producteur-caviste.

Une déco soignée et chaleureuse imaginée par les propriétaires © Géraldine Bordère

Comme une île de convivialité au milieu du cossu quartier de Upper West Side, à quelques pas du Musée d’Histoire Naturelle, Vin Cœur ressemble à un petit coin de Paris. Du parquet en passant par le zinc au coffrage boisé, des miroirs vieillis où le menu est inscrit en passant par les suspensions en bouteilles déculottées recyclées, tout a été soigneusement pensé.

Le bistrot chaleureux où s’encanailler pour l’apéro

Et quand la faim se fait venir, des assiettes partageuses font le pont entre la France et les États-Unis : deviled Eggs comme des œufs-mayo (12$), Mac & Cheese au beaufort dégoulinant (18$) mais aussi tartare de bœuf traditionnel au couteau (22$) et incontournable planche de charcut’/fromages (à partir de 11$). « On a réduit la carte au maximum, on tient à ce que tout soit cuisiné à partir de produits frais tous les jours » explique Jérôme. Ce jour-là, sur le feu dans la mini-kitchenette qui sert de labo, des terrines de foie gras au cognac cuisaient gentiment au bain-marie pendant que le chef peaufinait son appareil à Baulois.

Vin Cœur est le nouveau petit bistrot chaleureux où s’encanailler au moment de l’apéro. Outre la salle principale et son bar, une plus petite salle attenante également joliment décorée est à privatiser… Bienvenue au Vin Cœur.

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Une conférence de Bénédicte Savoy, l’historienne des œuvres d’art spoliées, le 15 avril à Columbia

Bénédicte Savoy, professeur en Histoire de l’art à la Technische Universität, à Berlin, interviendra lors de la conférence « Thinking about absence in museums », à la Maison Française de l’université Columbia, le mardi 15 avril à 6pm. Spécialiste de l’histoire des musées, des transferts culturels franco-allemands, de l’art spolié par les nazis et de la recherche de provenance postcoloniale, elle a enseigné au Collège de France entre 2016 et 2021. Elle est aussi, avec le Sénégalais Felwine Sarr, la co-rédactrice du rapport « Sur la restitution du patrimoine culturel africain », commandé par Emmanuel Macron lors de son premier mandat.

Bénédicte Savoy abordera, lors de cette conférence, le vide laissé par les œuvres qui ont été déplacées, au cours de l’histoire, à la suite d’un conflit armé, d’une occupation coloniale ou d’une disparité économique. En association avec la conférence, l’université de Columbia organisera une projection-débat du film de Mati Diop, « Dahomey », le jeudi 17 avril à 6:30pm à la Katharina Otto-Bernstein Screening Room, Lenfest Center, en présence de la réalisatrice.

Lauréat de l’Ours d’or à la Berlinale 2024, « Dahomey », à mi-chemin entre le documentaire et l’œuvre poétique, suit le trajet de 26 trésors du royaume de Dahomey qui quittent Paris pour retourner dans leur pays d’origine : l’actuelle république du Bénin. Le film pose la question du retour des œuvres du point de vue du pays spolié. Il propose de multiples perpectives quant à l’organisation, l’exposition, la conservation des trésors restitués. Il ouvre aussi, dans une dimension fantastique, la perpective des œuvres elles-mêmes, douées d’une âme et d’une voix.

9 films français en lice du 68ᵉ San Francisco International Film Festival

La 68ᵉ édition du San Francisco International Film Festival se tiendra du jeudi 17 au dimanche 27 avril. L’édition 2025 proposera plus de 150 films en provenance de plus de 50 pays différents, dont 11 premières mondiales, 10 premières internationales, 10 premières nord-américaines, et 6 premières américaines. Les films seront projetés à San Francisco et à Berkeley.

Parmi les pays en lice, la France sera largement représentée, avec pas moins de 9 films, dont certains seront projetés pour la première fois aux États-Unis. Voici la liste de ces films.

Les fantômes (Ghost trail) de Jonathan Millet

Ancien professeur de poésie, Hamid est membre d’une organisation secrète qui traque les criminels de guerre syriens cachés en Europe. Sa quête le mène à Strasbourg sur la piste de son ancien bourreau, dont il n’a jamais vu le visage. Inspiré de faits réels, ce film a été nommé deux fois aux Césars 2025 (meilleur premier film pour Jonathan millet, meilleure révélation masculine pour Adam Bessa). Billets.

Magma de Cyprien Val

Katia Reiter, incarnée par Marina Foïs, dirige l’Observatoire volcanologique de Guadeloupe depuis une dizaine d’années. Elle forme un duo de choc avec Aimé, jeune Guadeloupéen auquel elle transmet sa passion du métier. Alors qu’elle se prépare pour une nouvelle mission à l’autre bout du monde, la menace d’une éruption majeure de la Soufrière se profile. L’île est aux abois et Katia va devoir assurer la sécurité de la population… Cyprien Val s’est inspiré de la dernière grande éruption de la Soufrière, en 1976, même si l’action du film se passe de nos jours. Billets.

Jouer avec le feu (The Quiet Son) de Muriel et Delphine Coulin

Adaptation du roman de Laurent Petitmangin, Ce qu’il faut de nuit, ce long-métrage raconte l’histoire de Pierre (Vincent Lindon), qui élève seul ses deux fils dans l’Est de la France. Louis, le cadet, réussit ses études et avance facilement dans la vie. Félix, l’aîné, part à la dérive. Fasciné par la violence et les rapports de force, il se rapproche de groupes d’extrême-droite, à l’opposé des valeurs de son père. Pierre assiste impuissant à l’emprise de ces fréquentations sur son fils, et tente le tout pour le tout pour le ramener à la raison, quitte à fragiliser l’unité familiale. Billets.

L’histoire de Souleymane (Souleymane’s Story) de Boris Lojkine

Primé quatre fois aux César 2025, ce film décrit 48 heures de la vie de Souleymane, un jeune Guinéen travaillant comme livreur à vélo, et qui se prépare à être auditionné par l’OFPRA dans le cadre de sa demande d’asile à Paris. L’histoire est largement inspirée de celle de son interprète principal, Abou Sangaré, qui quitte sa Guinée natale et émigre en France afin de subvenir aux besoins de sa mère, gravement malade. Billets.

Sukkwan Island de Vladimir de Fontenay

Un homme se rend sur une île sauvage pour renouer avec son père. Dix ans auparavant, ils ont partagé une expérience bouleversante qui a transformé leur relation. Ce film, adaptation d’un roman éponyme de David Vann, a été présenté au Festival de Sundance en 2025. Billets.

Le rendez-vous de l’été (That Summer in Paris) de Valentine Cadic

Au cœur des Jeux Olympiques de Paris 2024, Blandine, 30 ans, est venue de Normandie pour assister aux compétitions de natation et retrouver une demi-sœur perdue de vue depuis 10 ans. Habituée au calme et à la solitude, Blandine découvre une ville bouillonnante dont elle n’a pas les codes. Au fil des jours, la jeune femme fait des rencontres, se perd, hésite, tente de (re)tisser des liens et de naviguer au cœur d’une ville enfiévrée par cet évènement hors normes. Billets.

Hiver à Sokcho (Winter in Sokcho) de Koya Kamura

À Sokcho, petite ville balnéaire de Corée du Sud, Soo-Ha, 23 ans, mène une vie routinière, entre ses visites à sa mère, marchande de poissons, et sa relation avec son petit ami, Jun-oh. L’arrivée d’un Français, Yan Kerrand, dans la petite pension, dans laquelle Soo-Ha travaille, réveille en elle des questions sur sa propre identité et sur son père français dont elle ne sait presque rien. Tandis que l’hiver engourdit la ville, Soo-Ha et Yan Kerrand vont s’observer, se jauger, tenter de communiquer avec leurs propres moyens (la cuisine pour l’une, le dessin pour l’autre), et tisser un lien fragile. Billets.

Soudan, souviens toi (Sudan, remember us) de Hind Meddeb

Après 30 ans de dictature, le portrait d’une jeunesse soudanaise, qui par ses mots, poèmes et créations, défie la répression militaire et lutte pour ses rêves de démocratie. En croisant leurs itinéraires, Hind Meddeb articule les fragments d’une révolution impossible, de ses débuts prometteurs jusqu’à ce que la guerre détruise tout, mettant les Soudanais sur les routes de l’exil. Progressivement, les liens se tissent au fil d’une correspondance entre la réalisatrice et les protagonistes du film. Billets.

Deux personnes échangeant de la salive (Two People Exchanging Saliva) de Natalie Musteata et Alexandre Singh

Ce court-métrage raconte une tragédie absurde qui se déroule dans une société répressive où le baiser est puni de mort et où les gens paient en recevant des gifles au visage. Angine, une femme malheureuse, fait des achats compulsifs dans un grand magasin et se laisse captiver par une vendeuse ingénue. Malgré l’interdiction de s’embrasser, les deux se rapprochent, éveillant les soupçons d’une collègue jalouse. Billets.

« The Other Profile » : projection au Maysles Documentary Center du film d’Armel Hostiou

Le film The Other Profile (titre original : Le Vrai du Faux) réalisé par le cinéaste français Armel Hostiou sera projeté à Harlem, le Samedi 12 avril à 7pm, au centre du film documentaire créé en 2005 par le réalisateur Albert Maysles (1926–2015). Sorti en France en 2023, il a été sélectionné dans de nombreux festivals. Il a reçu le prix du public au Sicila Queer Filmfest de Palerme en 2024. Il fait aussi partie de la selection The 25 Best Films 2024 de HYPERALLERGIC, un des magazines de référence en matière d’art. The Other Profile côtoie, dans cette liste des films prestigieux tels le documentaire oscarisé No Other Land ou Dahomey de Mati Diop, projeté lui aussi à New York en avril mais dans un autre lieu : la Maison Française de Columbia.

L’idée du film naît d’une mésaventure de son réalisateur. « Un jour, je découvre que j’ai un deuxième profil Facebook : un faux Armel Hostiou avec de vraies photos de moi et plein d’amies vivant toutes à Kinshasa. Il les invite aux castings de mon prochain film censé se dérouler en République démocratique du Congo. Face à l’impossibilité de clôturer ce compte, je décide de partir à la recherche de mon double…» S’ensuit un documentaire qui parcourt avec humour les méandres de l’identité volée. Sous la forme d’une enquête, le film recherche le faux Armel Hostiou. Les habitants de Kinshasa, adjuvants enthousiastes du récit, imaginent les visages de l’usurpateur qui se dérobe malgré tout. Son identité sera-t-elle révélée ? Faut-il suivre les conseils d’un des interlocuteurs du réalisateur qui affirme : « le vrai et le faux, il ne faut pas les séparer » ? Les images, échappant à cette quête absurde, tracent en contrepoint de l’enquête le visage d’une ville, la grande Kinshasa.

Extraits du film, dans Kinshasa. ©Météore Films

Amy Sherald, Esther et Corners of France: Trois expositions à voir absolument en avril à New York


Chelsea, Soho, Upper East Side… En ce mois de la déesse Aphrodite, on arpente Manhattan dans ses grandes largeurs pour visiter trois expositions formidables. De Rembrandt à la très actuelle Amy Sherald, nous découvrons l’histoire. Une histoire intime que Sandrine Torredemer tisse au creux d’images brodées, une histoire biblique, celle d’Esther, héroïne d’un peuple, devenue au XVIIᵉ siècle le symbole de l’émancipation des provinces du Nord ou encore l’histoire d’une invisibilisation qui prend fin grâce aux portraits captivants d’une peintre afro-américaine devenue culte, en douceur.

Amy Sherald, portraits d’une Amérique invisible au Whitney Museum

Avec « American Sublime », le Whitney Museum expose, jusqu’au dimanche 10 août, plus de cinquante portraits peints par l’artiste afro-américaine Amy Sherald. Dans cette première grande retrospective, la peintre, native de Columbus en Géorgie, s’affirme dans la lignée des grands peintres réalistes américains tels Edward Hopper. C’est la rencontre avec une œuvre de Bo Bartlett, figure contemporaine du réalisme lui aussi, qui va orienter Amy Sherald, alors qu’elle n’est encore qu’une enfant, vers le portrait exclusif de personnes noires. 

Bo Bartlett, « Object Permanence », 1986. ©Bo Bartlett


« Je n’avais pas conscience qu’il y avait un manque d’images de moi-même dans l’histoire de l’art, pas avant d’avoir vu une peinture sur laquelle était peint un homme noir, ce que je n’avais jamais vu auparavant, explique l’artiste. J’étais en 6ᵉ quand j’ai vu cette peinture de Bo Bartlett d’un homme noir, debout devant une maison, des outils accrochés à la ceinture. Je suis restée quelques minutes devant et j’ai réalisé que je voulais faire des peintures comme celle-ci. Je pouvais alors voir mon futur. »

Amy Sherald, « A Golden Afternoon », 2016. © Olivia Deslandes


Depuis 2007, l’artiste peint donc, à l’instar de Kehinde Wiley, le portraitiste californien de Barack Obama, des portraits d’Américains qui, jusqu’alors, étaient invisibles dans l’art. Elle fait le choix de traiter leur peau noire en grisaille, elle en atténue la valeur de réalité. Son objectif est de mettre à distance la caractéristique physique et de ne pas réduire les personnes à leur couleur de peau. Elle préfère se concentrer sur l’individualité et sur l’intériorité de ses modèles. C’est une somme de personnalités qu’elle nous fait rencontrer, des personnes qui se sont préparées à cette rencontre, en choisissant les vêtements et les accessoires qui les représentent, comme le faisaient les ancêtres d’Amy Sherald devant un photographe.

Amy Sherald, « The Rabbit in the Hat », 2008. © Olivia Deslandes


Les personnes sont peintes sur des fonds unis colorés, il s’en dégage une forme de gaité qui édulcore, dans un premier temps, le propos militant. Le visiteur fait donc connaissance avec l’œuvre de l’artiste en échangeant des regards avec ces figures représentées. La peinture est modelée mais sans ombres, sans tâches. Il semble que la lumière soit uniforme et unilatérale, comme si l’on ne cachait aucune partie obscure du sujet. Alors nous prenons notre temps et explorons les détails.

Une main tient son chapeau, une autre dévoile le lapin qui en est sorti, une troisième porte une bague de fiançailles. En poursuivant la visite, l’histoire se met en place, on croise le portrait de Michelle Obama ou encore celui de Breonna Taylor, l’assistante médicale de 26 ans tuée par un membre de la police de Louisville en 2020. C’est justement elle qui porte une bague de fiançailles, celle d’une demande en mariage que son petit ami projetait mais n’a pas eu l’occasion de lui faire. Les couleurs acidulées sont toujours présentes, mais le propos devient plus évidemment politique. 

Amy Sherald, « If You Surrendered to the Air, You Could Ride It », 2019. « A God Blessed Land (Empire of Dirt) », 2022. « Kingdom », 2022. © Olivia Deslandes

Enfin, dans les dernières salles, les œuvres les plus récentes s’élargissent. Sur de très grands formats, les personnes peintes prennent place dans un environnement, souvent extérieur. Elles s’inscrivent alors dans le décor, une barrière, un tracteur vient suggérer une géographie, celle d’une Amérique au ciel bleu. Elles s’ancrent dans le territoire. Un enfant, grimpé tout en haut d’un toboggan, un pied en avant, a des airs de conquête. Amy Sherald est passée, tout en douceur, presque sans que nous en prenions conscience, du discours intérieur au discours militant.

« Amy Sherald:  American Sublime », Whitney Museum, 99 Gansevoort Street. Jusqu’au dimanche 10 août.

Esther, héroïne biblique devenue une muse de Rembrandt

Avec « The Book of Esther in the Age of Rembrandt », le Jewish Museum propose, jusqu’au dimanche 10 août, une très riche exposition comprenant plus de 120 œuvres : des peintures, des gravures et des dessins de Rembrandt et de son cercle, tous en lien avec l’histoire d’Esther, cette héroïne biblique que les Provinces Unies ont convoquée pour célébrer leur résistance face à l’insurrection espagnole de Philippe II, roi d’Espagne et Prince des Pays-Bas. Au travers de ces œuvres, les artistes vont prendre part à la révolte qui les mènera vers l’indépendance de leur territoire en 1648.

Vue de l’exposition. © Olivia Deslandes

L’exposition offre une plongée dans l’histoire d’Esther, modèle de vertu qui fait passer le destin de son peuple avant le sien. On découvre particulièrement les raisons pour lesquelles, au XVIIᵉ siècle, cette figure biblique a pu devenir un motif de prédilection des plus grands peintres des Pays-Bas.

Les œuvres exposées manifestent leur attrait pour différents épisodes du livre, comme la toilette d’Esther, moment intime où elle se prépare avant d’aller affronter le roi, son époux, pour lui révéler sa judéité ou encore le festin qui s’ensuit, lors duquel le roi, l’ayant pardonnée, offre un banquet généreux, cérémoniel auquel les fêtes de Pourim, célébrées dans la religion juive, font référence. 

Aert de Gelder, « Esther et Mardochée », vers 1685, Rhode Island School of Design Museum of Art, Providence. ©Rhode Island School of Design Museum of Art


Outre l’attrait historique de cette exposition, la qualité des œuvres prêtées est remarquable. Les peintures de Rembrandt, de son ami Jan Lievens, de Gerrit van Honthorst, d’Aert de Gelder ou de Gabriel Metsu, sont réjouissantes par leur virtuosité et par leur richesse du détail. On y voit des femmes fortes en Esther et des hommes puissants aux accoutrements orientalisants. On note aussi les parchemins roulés de Salim Italia envahis par les dessins ciselés. Toutes ensembles, ces oeuvres forment un corpus aussi magnifique qu’instructif.

On y voit souvent le modèle d’Esther dépasser sa portée religieuse, s’ériger en motif profane au travers  d’un portrait, d’une scène de genre ou d’une nature morte. L’environnement culturel et intellectuel des Provinces Unies s’imprègne de l’histoire biblique et y plaque ses découvertes exotiques, les étoffes ne viennent pas toutes de Perse, où se situe le récit original, mais d’un Orient fantasmé. Finalement, il est le véhicule d’un récit universel où les artistes font dialoguer les cultures découvertes grâce au commerce de cette puissance coloniale alors dominante.

Rembrandt van Rijn, « Une héroïne juive [Esther?] issue de la Bible hébraïque », 1632-1633, National Gallery of Canada, Ottawa. ©Jewish Museum New York – Jan Lievens, vers 1625, « Le Festin d’Esther », North Carolina Museum of Art, Raleigh. ©Purchased with funds from the State of North Carolina

« The Book of Esther in the Age of Rembrandt », The Jewish Museum, 1109 5th Ave at 92nd St. Jusqu’au dimanche 10 août.


« La Filature, Corners of France » : tisser le paysage, réparer l’âme


La galerie Amélie Maison d’Art expose pour la première fois à New York les œuvres tissées de La Filature avec l’exposition Corners of France. Jusqu’au samedi 19 avril, presqu’une quarantaine de paysages, silhouettes ou lettrages, s’affichent telles de petites poésie sur les murs de la galerie de Soho. Paris, Perpignan, St Jean de Luz mais aussi Los Angeles avec le château Marmont ou Palm Springs, les paysages tracés au fil et à l’aiguille déclinent des souvenirs qu’il est si aisé de s’accaparer. Un bord de mer sur lequel marche un surfeur, la fontaine d’un parc parisien, une montagne enneigée au-dessus de toits rouges : une sorte de mémoire commune nous attendrit en parcourant ces saynètes.

Vue de l’exposition « Corners of France ». ©Galerie Amélie du Chalard


Au fil de la discussion avec l’artiste, Sandrine Torredemer, nous comprenons que l’histoire n’est pas aussi idéale que ces images brodées peuvent le laisser paraître. Les épreuves ont jalonné sa vie, la broderie est devenue son échappatoire, le moyen d’oublier les pensées sombres, de passer le temps et finalement de se réparer puis de se réinventer. Comme une révélation, après avoir « cherché la perfection » au travers de ses ouvrages, elle a un déclic en acceptant le lâcher-prise, l’imperfection.

Commence alors la quête des draps raccommodés, des tissus de récupération, des vielles bobines, « des vieilles choses » mais aussi des matières qu’on jette trop vite comme les charlottes protectrices d’hôpital, qui feront un ciel parfait. Tout est réinvesti dans ces petites peintures de brodeuse. Car ce ne sont pas des points sophistiqués, ni une prouesse d’un montage invisible, que nous promet la Française, mais au contraire la trace des passages répétés, la mollesse d’une fibre éreintée par le temps, la déchirure d’un organza qui, se superposant sur un autre, va agiter et faire briller les flots bleus d’une calanque à Cassis.

Sandrine Torredemer. ©O. Deslandes – « Le Canigou par dessus les toits (Perpignan)», 2024. ©Galerie Amélie du Chalard


Les images se construisent donc au gré d’un effilochement, d’un entrelacement de tissus et de fils, toujours à la main et sans colle. La magie opère, nous voici devant une œuvre qui a toute les qualités d’une aquarelle : modeste, nostalgique, attendrissante. Sauf que l’aquarelliste peut peindre en un instant ce que Sandrine Torredemer peut broder en un temps infini. Cela n’a pas d’importance pour elle. Elle ne compte même plus le temps qu’elle passe sur ses projets. Elle choisit plutôt de transmettre aux autres cet art du temps pour soi et du lâcher prise lors d’ateliers qu’elle anime. Arrivent des femmes, pour la plupart, charriant des « autocritiques dévastatrices » sur leur capacités techniques, que Sandrine Torredemer aime à guider dans la réalisation de petites merveilles d’imperfection.

« La Filature: « La Filature, Corners of France », Galerie Amélie du Chalard, 85 – 87 Mercer St. Jusqu’au samedi 19 avril.